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07/07/2014

Arrêter le gluten, une solution de facilité ?

Peut-être allez-vous trouver ce titre un peu provocant ou déplacé... Voici un billet un peu rapide, né d'un agacement, autour d'un sujet fort complexe sur lequel je reviendrai en détail à la rentrée.

Bien sûr, je ne parle pas des personnes chez qui l'on détecte une intolérance (et non allergie) au gluten, aussi appelée maladie coeliaque, qui n'ont d'autre choix que d'éliminer totalement et rigoureusement le gluten de leur alimentation. Ces personnes-là ne le vivent pas forcément bien, partagées entre le mieux-être ressenti (après parfois un long parcours pour arriver au diagnostic) et la difficulté de suivre ces règles au quotidien quand on doit manger à la cantine, au restaurant, chez des amis, faire les courses... Ils peuvent notamment trouver des infos via l'AFDIAG.

Je pense aux autres, les personnes qui soit ressentent un inconfort digestif réel, soit vont très bien mais pensent qu'elles iraient encore mieux sans gluten (j'avais parlé de cette graduation dans ce billet qui tentait de faire un point un peu synthétique sur le sujet).

L'inconfort physique

Les gastro-entérologues (une partie, du moins...) reconnaissent aujourd'hui qu'il existe, en dehors de la maladie coeliaque, ce qu'on appelle une hypersensibilité au gluten, qui crée un inconfort digestif mais qu'on ne détecte pas par les analyses traditionnelles.

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Donc, pour l'instant, on incrimine le gluten, c'est une voie simple (en théorie, en pratique un peu moins, je le disais) d'avoir ainsi un seul coupable, et puis on en parle beaucoup dans les médias, donc on alimente la machine à incriminer. On y ajoute parfois (même souvent) le lait.

J'étais récemment à un colloque de l'Institut Pasteur à Lille et les premières études (insuffisantes pour tirer des conclusions) s'interrogeaient sur le rôle véritable du gluten dans cette hypersensibilité, vs peut-être certains "FODMAPS", composants fermentescibles, parmi lesquels les fructanes présents entre autres dans le blé. Il est très difficile et long d'avoir des résultats d'études car les protocoles sont très complexes si l'on veut être parfaitement rigoureux.

Et si on suspecte les FODMAPS dans son inconfort individuel (cette approche a clairement le vent en poupe en Amérique du Nord après l'Australie), il faut se lancer dans un protocole long prenant en compte beaucoup d'aliments pour savoir en fin de compte lesquels on supporte ou pas. Les patients n'ont pas forcément le courage de cette recherche au long cours et choisissent parfois l'abandon du gluten sans savoir si c'est vraiment le responsable.

Mais alors, direz-vous, comment expliquer que beaucoup de personnes qui arrêtent le gluten disent aller nettement mieux ? Cela prouve-t-il que la cause de leur inconfort était le gluten ? Quand on arrête le gluten, peut-être arrête-t-on de se gaver de baguette molle ou de pain de mie. Peut-être diversifie-t-on davantage son alimentation. Peut-être se met-on à cuisiner plutôt que d'acheter des plats préparés... Donc est-ce seulement l'arrêt du gluten qui crée le mieux-être ?

Et plutôt que d'arrêter le gluten en bloc, peut-être peut-on améliorer le gluten qu'on absorbe : ne pourrait-on pas rechercher des aliments pourvus de gluten mais qu'on arrive à digérer plus facilement, le pain notamment : le type de blé, de mouture, de farine, de fermentation, ... ont une influence et il y a pain et pain, gluten et gluten...

Par ailleurs, j'expliquais dans mon précédent billet qu'il ne fallait pas considérer les seuls aliments mais bien l'interaction, unique, entre les aliments et notre système digestif. Là encore, c'est un vaste domaine, encore en grande partie inexploré, auquel s'attaque la recherche. Mais on sait déjà le rôle de ce qu'on appelle désormais le microbiote intestinal : du point de vue des milliards de bactéries qui peuplent notre intestin, nous sommes tous différents dans ce domaine et il apparaît que le manque de diversité de cette flore bactérienne ou le manque de bactéries protectrices dans l'ensemble aurait une influence sur de nombreuses pathologies. Mais ce n'est probablement pas irréversible : les mécanismes ne sont pas encore expliqués mais il semble qu'avoir par exemple une alimentation variée, équilibrée, tende à améliorer la diversité bactérienne. Peut-être certains probiotiques aussi (mais pas tous et différemment pour chaque personne), c'est un sujet que je commence à creuser.

L'inconfort psychologique

Aujourd'hui, il y a beaucoup plus de personnes qui arrêtent le gluten que celles qui ont un véritable inconfort. Même les chefs s'y mettent, argumentant que c'est tellement stimulant pour leur créativité. OK. Mais plus léger ? Meilleur au goût ? Pour ma part, je ne cesse de me régaler dans des restaurants AVEC, qui ne proposent pas forcément une cuisine lourde et insipide !

Car, plutôt que supprimer le gluten et penser que manger SAIN est forcément manger SANS (réécouter ma Minute Gourmande sur le sujet), on peut, si on en ressent le besoin, se poser, prendre du recul sur son alimentation, consacrer davantage de temps à faire les courses et à cuisiner, introduire davantage de variété et se faire du bien ainsi, sans forcément supprimer des catégories d'aliments.

Et surtout, se rappeler que CHAQUE PERSONNE EST UNIQUE, à elle de trouver le mode alimentaire qui lui convient, au-delà des modes et des modèles.

Je reviendrai sur ces sujets à la rentrée mais vos commentaires sont bienvenus dès maintenant.

Visuel © ようへい - Fotolia.com

17/06/2014

La voie du milieu, si essentielle, si rare...

La voie du milieu ou sentier du milieu, c'est une idée centrale développée dans le bouddhisme dans le cadre d'une démarche spirituelle. Je ne suis pas bouddhiste et ce n'est pas cela que je veux évoquer mais cette notion me parle beaucoup. Je crois qu'elle correspond assez à ma nature et, de plus en plus, à mes convictions au fil des mes réflexions professionnelles. Car je me garde des extrémismes, des simplifications exagérées, des dogmatiques ancrés sur leur certitudes et je leur préfère l'ouverture, la tolérance, le questionnement, l'approfondissement. Les personnes qui défendent des convictions fortes sont malheureusement trop souvent peu tolérantes envers ceux qui pensent différemment et n'ont de cesse de les convaincre qu'ils ont raison. Sans compter les multiples acteurs qui n'ont pas de conviction mais sont simplement en quête de revenus confortables, de façon plus ou moins honnête. Et ils sont ô combien nombreux dans le monde de la nutrition, de la minceur, du bien-être... La voie du milieu ne veut pas dire tiédeur et absence de conviction mais plutôt réflexion et lucidité.

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Par exemple, je choisis la voie du milieu entre :

- la triste privation alimentaire et la goinfrerie,

- le veganisme qui rejette toute consommation animale et les accros à une portion de viande quotidienne,

- le tout naturel et la soumission aux géants de l'agro-alimentaire,

- les gens qui interdisent sans nuance le lait ou le gluten et ceux qui nient tout problème lié à leur consommation,

- les tenants d'approches nutritionnelles soit-disant révolutionnaires et les scientifiques trop sûrs d'eux fermés à toute remise en cause.

Justement, au hasard de recherches sur différents thèmes liés à la nutrition ces derniers jours, j'ai constaté, sans grand étonnement mais à la fois attristée et amusée, la quantité d'escroqueries de toutes sortes qui prolifèrent sur internet et ont malheureusement beaucoup d'adeptes. Mais aussi leurs vaillants combattants, soucieux de vérité. Je ne saurai trop vous inciter à vous méfier des poudres de perlimpimpin, méthodes radicales et autres potions magiques qui vous promettent la minceur, la vie éternelle, l'évitement de toutes les maladies. Méfiance aussi pour les discours ésotériques, le jargon pseudo-scientifique qui cherche à vous impressionner. 

De la même façon, si l'on vous recommande avec autorité de vous lancer dans un régime étrange, de vous priver d'une famille d'aliments sans plus d'analyse, soyez vigilant(e)s. Si l'on cherche à vous vendre des produits ou ustensiles basiques à des prix exhorbitants, renseignez-vous d'abord.

Pas toujours facile de ne pas se laisser embarquer dans une période où l'on doute de tout, où certains pourfendeurs des discours traditionnels sont très convaincants : on peut avoir d'autant plus envie de se tourner vers eux qu'on ne trouve pas de réponse adéquate du côté d'entités plus reconnues.

Alors, gardons-nous des gourous, choisissons la juste mesure et surtout l'écoute de nos besoins propres plutôt que toute croyance manichéenne ou généraliste.

 

 

06/05/2014

6 mai : pas de régime, pas d'obligation de mincir non plus !

Chaque année, le 6 mai, c'est la Journée Internationale sans Régime. Chaque année, ou presque, j'en parle, sans beaucoup d'écho ici en France. Toutefois, cette année, est-ce un hasard, France 2 rediffuse à 22h35 son documentaire "Régimes, la vérité qui dérange", plutôt bien fait sur le sujet.

Vous qui me lisez, savez bien que je suis contre les régimes, tous les régimes. Je suis intervenue récemment sur ce sujet sur France Inter : le temps imparti m'a permis de critiquer les régimes et leurs prescripteurs mais pas forcément de détailler mon approche alternative, que j'avais résumé ici, consistant notamment à comprendre pourquoi et comment on a pris du poids et à agir sur les leviers adéquats, de façon personnalisée, sans privation (écoute des sensations, travail sur les émotions, acceptation de soi, réconciliation avec tous les aliments...).

Nous sommes au printemps et les magazines féminins n'hésitent pas à proposer, quelle originalité, de nombreuses couvertures à objectif minceur (quoique c'est un peu toute l'année désormais...). Mais cette année, comme cela est déjà arrivé ponctuellement, on ne parle pas (en apparence) de régime mais, dans plusieurs magazines, plutôt de l'aspect psychologique des kilos pris : couverture de Marie-Claire : "Maigrir c'est dans la tête", couverture de Elle : "les kilos émotionnels".

Cela appelle plusieurs remarques :

- Je devrais me réjouir de cette prise en compte de la dimension émotionnelle de la relation à l'alimentation car je la rencontre quasi-quotidiennement dans mon cabinet : en parler dans des magazines grand public dénote une meilleure prise en compte de la complexité de cette relation, qui ne peut être traitée par une approche simpliste comme un régime. Cela semble donner peu à peu davantage de visibilité aux personnes qui, comme moi, travaillent sur ce sujet (et ce ne sont pas forcément que des psys !).

MAIS...

- Cette mise en avant des "kilos émotionnels", de "maigrir, c'est dans la tête" est faite par les mêmes magazines qui, quelques semaines plus tôt ou plus tard, vont vanter le dernier régime à mode, le "régime 5-2" américain ou  le 7-4-2 du Dr Fricker ou... Tout se vaut du moment que cela fait vendre...

- J'ai feuilleté ces magazines (j'avoue que je suis parfois fatiguée de dépenser de l'argent pour les lire, m'agacer et vous en parler..) et j'ai été étonnée d'une certaine incohérence : ainsi Marie-Claire par exemple relaie des propos du Docteur Zermati* (président de l'association G.R.O.S. dont je fais partie), avec lesquels je me sens plutôt en phase et, soudain, en lisière d'article, parmi les "adresses" à retenir, que vois-je : les sites de Jean-Michel Cohen ou de Weight Watchers...

- Comme le soulignent "Mélissa & Nora" sur leur blog, en prenant cet angle d'approche, n'y a-t-il pas toujours une injonction à maigrir, à se conformer aux stéréotypes de la silhouette féminine, une culpabilisation sous-jacente des femmes qui ne prendraient pas soin d'elles-mêmes sur ce plan et qui ne sauraient pas "gérer" leur stress ?

- Je ne suis toutefois pas totalement en phase avec leur analyse : certes, il y a une incitation à maigrir alors que chacune a la droit de s'accepter et d'être bien dans son corps sans faire une taille 36... Mais, en même temps, souligner cet aspect émotionnel peut être instructif pour certaines femmes et il ne relève pas forcément de la culpabilisation : ainsi, quand je traite cet aspect émotionnel avec mes patientes, j'insiste sur l'importance de comprendre comment on réagit et non de se juger (sévèrement, le plus souvent). Par ailleurs, il faut différencier la personne qui veut mincir alors qu'elle a un poids normal, pour se conformer à certains canons, et la personne qui a effectivement pris un certain nombre de kilos pour diverses raisons.

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Se rêver plus mince... pour quoi faire ?

Pour ma part, je prends soin de faire réfléchir les personnes qui viennent me voir à leurs motivations. Certaines ne cherchent pas à mincir, ou pas en priorité, mais plutôt à se libérer la tête de l'obsession alimentaire. D'autres souhaitent arrêter une spirale de prise de poids. D'autres veulent se défaire de ce qu'elles considèrent comme une sorte d'addiction à la nourriture. D'autres encore, nombreuses, ont une demande d'amincissement. Alors, s'agit-il de confort, de retrouver une silhouette d'antan, d'injonctions des médecins, de peur pour leur santé, de séduction, de plus grande liberté à s'habiller, ...? Il est important de clarifier cela et de ne pas tout miser sur la minceur : eh non, la vie ne sera pas parfaite et sans souci une fois qu'on sera mince !

 

*Malheureusement, les Drs Apfeldorfer et Zermati, pour lesquels j'ai beaucoup d'estime pour tout ce qu'ils m'ont appris, ont tendance désormais à promouvoir davantage leur entreprise en ligne Linecoaching que l'association G.R.OS. qui regroupe un ensemble de thérapeutes partageant un certain nombre de convictions, notamment contre les régimes...

Dessin © diavolessa - Fotolia.com

11/04/2014

Une semaine alimentaire pour 25 euros : pas facile mais possible

Comme vous l'avez lu tout au long de la semaine, chacune a fait son expérience et a à peu près réussi à rester dans la limite du budget, voire moins : Agnès a dépensé moins de 20 euros ! Julie, environ 24 euros, moi, 25,60 euros et Sophie, un peu perdue dans le nombre de jours, 26 euros. Et on a mangé bon et varié.

Mais, je le répète, cela ne veut pas dire que c'est facile !

Cette expérience a des limites par sa définition même : faire cela pendant une semaine nécessite une stricte attention au prix de chaque chose, de jongler avec des aliments pas trop coûteux, de ne pas faire d'écart, de cuisiner tous les repas. Probablement, on développe une certaine habileté en cela si on continue sur la durée mais on doit se limiter toujours : pas de restaurant, même pas de sandwich, pas de café à l'extérieur (j'en avais accepté un et par chance, j'ai été invitée !). Je crois que c'est cette rigueur qui est difficile à tenir dans la durée et qui est éprouvante : ne pas pouvoir se permettre d'écart, être dans un contrôle permanent... Cela m'a fait pensé à une de mes patientes qui a un budget "ric rac" et me racontait qu'elle ne pouvait se permettre aucun écart et combien cela lui pèse parfois : pas de sortie, pas de restaurants, pas de fantaisies alimentaires..‬.

Par ailleurs, cela passe par de la cuisine, même simple. Il y a donc nécessité d'un minimum de savoir-faire culinaire.  Tout le monde n'en dispose sans doute pas mais pas besoin de faire compliqué (cf mon récit) et on peut, à tout âge, facilement acquérir les bases pour faire une soupe, une quiche, des pâtes...  Mais il faut aussi décider d'y consacrer un peu de temps.

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Les pâtes, évidemment un classique des petits budgets mais il y a de multiples autres possibilités


Toutefois, il me semble quand même important de penser aussi à replacer  son budget alimentaire dans une vision de son budget global et que cela ne soit pas forcément la portion congrue. Comme le dit le patron de Super U, Serge Papin, que l'alimentation ne soit pas toujours "la variable d'ajustement".

En conclusion, on peut parvenir à manger "bien" et pour un budget modeste si :

- on est attentif dans ses courses,

- on fait la cuisine avec des produits bruts et de saison,

- on s'organise, on prévoit ses repas, on ne gaspille rien,

- on accepte de consacrer une part de son temps à cela. Ne s'agit-il pas de prendre soin de soi (et des siens) ?

Et sachez que l'on peut aller bien en-deçà d'un budget comme celui qu'on avait défini. Récemment, la presse s'était fait l'écho de l'expérience de Jack Monroe, en Angleterre, jeune mère chômeuse qui apprend à déployer des trésors de créativité pour préparer des repas appétissants et variés pour son petit garçon et finit par en faire un blog puis un livre...

Et vous, êtes-vous très attentif(ve), un peu, pas du tout, à votre budget alimentaire ?

 

10/04/2014

A vos radios ! Service Public vendredi parle régimes

Une fois n'est pas coutume, je vous annonce une émission à l'avance : demain, Service Public, émission de France Inter, que j'écoute souvent et apprécie, sera consacrée aux régimes avec quelques spécialistes du sujet et...moi. Figurez-vous que, bien que je n'ai toujours pas de livre à mon actif, j'ai été conviée à cette émission. J'espère que je saurai me faire entendre pour parler démarche anti-régime.

Si vous êtes disponible, c'est vendredi de 10h à 11h sur France Inter, les autres invités ici. Sinon, il y aura internet pour écouter en différé.

En attendant l'émission, on peut (re)lire quelques billets autour du sujet :

Pas de régime, quel qu'il soit

Le compte-rendu d'une intervention :  maigrir après des régimes


Bonne soirée !

Ajout le vendredi 11 :

L'émission est à écouter ici : difficile de dire tout ce que l'on voudrait quand il y a quatre invités (dont trois ont quelque chose à vendre), des chansons, des reportages, ... Mais le message est quand même un peu passé si j'en crois quelques commentaires et messages que j'ai reçus... 

Ajout le samedi 12 :

Comme certain(e)s semblent avoir une allergie à certains des intervenants, je propose une écoute sélective et tout à fait égocentrique, mes interventions se situant aux moments suivants :

- Mon avis sur les régimes, à 9'30

- Pourquoi c'est compliqué les régimes, à 24'10

- Discussion avec Dukan (qui fait une comparaison stupide avec mes lunettes...) sur la responsabilité des régimes, à 28'40

- Faire la différence entre faim et envie de manger, dans le prolongement de L.Chevallier, à 36'20,

- A propos du désarroi, à 38'30,

- Travailler sur les causes émotionnelles et les compulsions, à 44'40,

- M.D. cherche à discréditer mon approche en confondant écoute de la faim et "écoute de son nombril", on parle motivation, à 47'20,

- En conclusion, je rappelle que chaque personne est unique et j'offre du chocolat à Guillaume Erner, à 51'25.

Voilà, si cela vous dit...

 

21/01/2014

Au fait, à la maison, on mange de la cuisine maison ?

Début novembre, j'ai assisté à un colloque sur le "fait maison" à Tours. Je vous ai déjà parlé, dans un long billet, du fait maison au restaurant. Et le fait d'avoir un peu tardé, a fait que cela a été en résonance avec l'actualité et le vote d'un article de loi sur le sujet, probablement insuffisant pour clarifier les choses.

Dans ce colloque, il a été aussi question des repas chez soi et forcément, cela me parle car, à travers ce blog et auprès de mes patients, je défends la cuisine du quotidien.

Le Credoc, qui se penche depuis longtemps sur notre mode de vie a fait part d'une étude qui montre un regain d'intérêt pour la cuisine, et a donné quelques explications :
- au même titre que le jardinage ou le bricolage, c'est une activité qui permet de se réaliser en dehors du travail, d'être dans le concret, d'avoir des micro-moments de plaisir dans un contexte difficile.
- la méfiance croissante envers l'industrie agro-alimentaire, suscitant un besoin croissant de savoir ce qu'on a dans son assiette.
- le développement d'une approche décomplexée de la cuisine où l'on s'implique moins, où l'on n'hésite pas à mixer du tout fait et une préparation maison, à inviter sans forcément avoir tout cuisiné,
- une envie de réinvestir la cuisine, de connaître l'origine des produits, de vivre de nouveaux types de moments autour de la table (apéro dinatoire...)

Selon moi, l'engouement concerne davantage la cuisine du week-end, considérée comme un loisir, que la préparation des repas du quotidien, souvent assimilée à une corvée répétitive. Je ne sais pas si cette tendance est forte et durable, mais il y a encore beaucoup à faire pour redonner le goût de cuisiner à une large part de la population. Car les plats préparés, frais ou surgelés, ont pris depuis quelques décennies, une place essentielle dans les cuisines françaises, les chiffres le montrent et sont plus fiables que les sondages sur le temps passé en cuisine...

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Cuisiner : pas forcément long ou compliqué...

Lors d'une des tables rondes, il a été redit l'impact du développement du travail des femmes. Il ne s'agit aucunement de juger cela mais seulement de constater que, de fait, le temps disponible pour cuisiner au sein du foyer a diminué. Et l'industrie agro-alimentaire s'est engouffrée dans ce manque, en proposant des ustensiles gain de temps puis, encore mieux, des aliments, des plats, tout prêts. Il y a aussi l'augmentation du temps de transports ou le temps croissant passé devant les écrans. Si on ajoute la rupture de transmission culinaire dans de nombreuses familles, on a les ingrédients de la baisse importante du fait maison au profit des plats plus ou moins complètement préparés par autrui. J'ai souvenir que ma mère achetait parfois une quiche, des pommes dauphine ou autres plats chez le traiteur pour compléter ce qu'elle préparait. Mais jamais de plats industriels, cela ne lui venait même pas à l'idée. Les temps ont changé. Aujourd'hui, presque tout le monde achète des plats préparés industriels (euh, moi, plutôt rarement !).

Et au fait, pourquoi pas ?

Parce qu'aujourd'hui de plus en plus de personnes le vivent mal, s'inquiètent de ne pas savoir ce qu'elles mangent (sentiment accru par la "crise du cheval"), veulent se réapproprier leur assiette. Et il est possible que cela commence à se traduire dans les actes. Le CLCV, association de consommateurs, a montré au colloque qu'après une baisse continue de la vente de viande et de poisson frais (avec parallèlement la hausse continue des ventes d'aliments transformés), cela semble se renverser un peu. On arrive peut-être aujourd'hui à un point de rupture du fait de la méfiance croissante autour des plats transformés. Et on va donc peut-être vers un léger retour à la cuisine maison. Est-ce un mouvement ponctuel lié à "l'affaire des lasagnes" ou une tendance de fond ?

Et cela peut-il se faire simplement ? Beaucoup souhaiteraient concilier la rapidité + le goût + la santé + la sécurité + le prix... Mais l'équation est impossible !!! Cela entraîne nécessairement des arbitrages dans son mode de vie global.

Est-on prêts à le faire ? A consacrer un temps raisonnable à cuisiner, un budget suffisant à l'achat de produits de qualité ? Si on répond oui, alors on pourra, sans y passer trop de temps, préparer des bons plats maison variés et avoir le bonheur valorisant de dire "c'est moi qui l'ai fait"...

Et vous, êtes-vous à fond adepte du fait maison ? En partie ? Cela dépend des jours ?

18/01/2014

Et si on ralentissait ?

Il y a résolution et résolution. Il y a quelques jours, je vous parlais de souhaits et non de résolutions car je ne crois pas vraiment à ces décisions prises à jour fixe, très souvent sans lendemain. Mais j'ai aimé les résolutions dont m'a parlé une patiente récemment. Ralentir. Prendre soin de soi. Car il s'agit de directions, de choix qui vont irriguer la vie dans toutes ses dimensions. Et non d'objectifs ponctuels ou déconnectés de la réalité.

Et en effet, si on ralentissait ? Car on va de plus en plus vite, vous ne trouvez pas ? Ce thème de l'accélération était d'ailleurs au programme de l'émission La Tête au Carré sur France Inter il y a quelques jours.

On travaille de plus en plus, on passe souvent beaucoup de temps dans les transports. On veut caser de plus en plus d'activités dans une journée, on a beaucoup de sollicitations et on a du mal à renoncer à certaines, on passe du temps scotché à divers écrans... Du coup, on mange de plus en plus vite, on ne veut plus prendre le temps de faire les courses ou de cuisiner. Bref, on fait tout de façon accélérée et il n'est surtout pas question de prendre le temps de ne rien faire...

Mais est-ce vraiment bon pour soi ? Est-on satisfait de ce qu'on a fait ? A-t-on profité à fond de ses différentes activités ? Pas sûr...

Il me semble que de plus en plus de personnes ressentent davantage ce besoin de ralentir aujourd'hui. Parce que justement, on a sans doute trop accéléré par rapport à ce que notre tête et notre corps sont capables de supporter.

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Trouver son propre rythme, pas forcément celui d'une tortue...

Prendre conscience de son rythme personnel, ralentir, faire une chose à la fois, ... Et faire des pauses dans la course effrénée des journées. A chacun de trouver les modalités qui lui vont : se poser et ne rien faire (sans culpabiliser !), lire, faire des jeux, marcher... voire méditer, une activité de plus en plus à la mode. Ou cuisiner : ne pas considérer que c'est du temps perdu mais un moment de détente où l'on se fait du bien. Alors, est-ce que tout cela n'en vaudrait pas la peine ?

C'est un sujet qui me tient à cœur, alors je vous en ai déjà parlé :

- après lecture d'un magazine qui surfe sur les modes

- après une conférence à HEC

- après une journée off

Et vous, respectez-vous votre rythme ? Savez-vous ralentir ? Avez-vous vos astuces pour prendre votre temps ?

Visuel © Alexey Bannykh - Fotolia.com

09/12/2013

Le "Fait maison" au restaurant, alors, on fait quoi ? (avec retour sur le colloque IEHCA)

Début novembre, j'ai assisté à Tours à un colloque sur le "fait maison". J'avais déjà dit quelques mots sur un événement inattendu survenu ce jour-là, l'irruption de La Barbe face à une table ronde entièrement masculine. Maintenant, je vais aborder plutôt le fond des débats. Je ne vais pas vous rendre compte de la totalité du colloque mais plutôt de ce qui m'a marqué ou qui a fait écho à mes réflexions.

Commençons par le "fait maison" au restaurant. Régulièrement, on lit qu'aujourd'hui, 70 à 80% des restaurants ne proposent pas du fait maison. Achètent du tout prêt sous vide ou des composants à assembler, ne cuisinent plus mais ne le disent pas. La discussion autour de ce sujet n'est pas nouvelle et un de ses grands agitateurs, luttant sans relâche contre la malbouffe, est Xavier Denamur. J'avais évoqué le sujet lors de la sortie de son film il y a environ un an et demi. Cet enjeu du "fait maison" est particulièrement d'actualité car il est rediscuté ces jours-ci au Parlement : d'après ce que j'ai compris, la loi pourrait introduire la notion de "fait maison" au restaurant. Ceux qui en font seraient obligés de le déclarer, mais ceux qui font le contraire, n'auraient rien à indiquer. Etrange... Le sujet est en tout cas complexe, me semble-t-il, et je ne prétends surtout pas en faire le tour ici !

Il y a quelques dizaines d'années, on ne se posait pas la question. On allait au restaurant, peut-être moins souvent qu'aujourd'hui, et on savait qu'il y avait du monde en cuisine pour éplucher, désosser, préparer des sauces, des crèmes, faire sauter, rôtir, dresser...

Puis peu à peu, l'agro-alimentaire a élargi son offre et son emprise, la règlementation en termes d'hygiène s'est durcie (c'est devenu bien plus simple d'acheter une sauce toute prête que de la faire), on a trouvé que tout cuisiner prenait beaucoup de temps, que cela demandait beaucoup de bras, que les charges salariales étaient élevées. Alors, quand un fabricant propose des produits prêts à l'emploi ou presque, propose finalement de travailler moins et de gagner plus, pas évident de résister... Comme l'a dit en son temps lointain La Rochefoucauld, " Les vertus se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves dans la mer"... Il reste évidemment des défenseurs du fait maison, des restaurateurs courageux et passionnés, comme un couple qui a un petit restaurant, rencontré au colloque. Ils y travaillent tous les deux, lui avouant 17h de travail par jour en été, 13h en hiver. Ce qui est possible (et épuisant) quand on est à son compte mais qu'on ne peut pas demander à du personnel. Combien sont prêts à se lancer dans un métier si exigeant ?

Au colloque, il y a eu une table ronde sur le sujet, avec des participants assez éclectiques, de Dominique Loiseau, parlant de son contexte 3 étoiles, à Alain Tortosa, initiateur du site "les restaurants qui font à manger", encore d'assez faible impact en termes de nombre d'inscrits mais donnant de sages conseils. Le débat s'est un peu égaré sur des points de détail comme la proposition de confitures artisanales au restaurant Loiseau, bien meilleures que celles produites sur place. Il parait clair qu'un restaurant n'est pas forcément le plus compétent pour le pain, le fromage, le beurre, la charcuterie, ... Il peut (et devrait) indiquer les artisans qui fournissent le restaurant, aucune raison de le cacher ! Voire même les pâtisseries : un bon cuisinier n'est pas forcément pâtissier, pourquoi ne pas faire appel à une très bonne maison locale si elle existe ?

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Table ronde animée par Caroline Champion (au centre) : Alain Tortosa, Martin Berasategui (chef espagnol), Bernard Reynal (président de la Fédération Nationale des Bistrots de Pays), Dominique Loiseau

Car ce que réclament Xavier Denamur et un certain nombre d'autres, c'est LA TRANSPARENCE. Il ne s'agit pas d'interdire des restaurants, sous réserve évidemment qu'ils respectent les règles d'hygiène, mais de lutter contre le mensonge, effectif ou par omission. Sauf que ce n'est pas si simple.

D'abord parce qu'il y a de puissants lobbies de l'agro-alimentaire, qui essaient d'empêcher le vote d'une règlementation qui pourrait aller contre leur intérêt. Eux ne veulent pas la transparence, quoi qu'ils en disent (et ils sont aussi liés à certains chefs qui "noient le poisson"...). Parce qu'ils savent bien (même si certains s'exclament qu'il vaut mieux du bon industriel plutôt que du mauvais fait maison) que ce n'est pas cela qu'attend le client. Naïvement -et probablement encore davantage si c'est un touriste en visite au pays de la gastronomie-, le client imagine quand il va au restaurant que c'est forcément cuisiné sur place. Il y a "tromperie par le non-dit" a dit un des intervenants.

Ensuite, parce qu'on peut se demander comment définir le "fait maison" ? Est-ce que c'est fait sur place ? Cela ne suffit pas. Avec quels types d'ingrédients ? Est-ce qu'il s'agit de cuisiner sur place avec des produits frais et bruts ? Tous les plats ou une partie ? Est-ce qu'il faut un marquage par plats ou un label pour le restaurant ? Est-ce qu'il faut définir un seuil pour la proportion de "fait maison" pour avoir un label ?

Au colloque, certains réclamaient un statut similaire à l'"artisan boulanger" (le pain doit être pétri, fermenter, être façonné, cuire sur place) mais Xavier Denamur (lu dans une interview) ne trouve pas le parallèle encourageant car cela n'empêcherait pas les mêmes "artisans boulangers" de se vouer à la pâtisserie industrielle... Lui propose une signalétique simple à première vue : "une petite maison quand c’est cuisiné sur place à partir de produits bruts et une petite usine pour les plats mijotés dans des ateliers ou des «grandes cuisines»". Mais quid de l'assemblage mixte, quid d'une part de "tout prêt". Où fixe-t-on le curseur ? Est-ce qu'on doit indiquer par ailleurs ce qui relève de la congélation maison (ce que fait Régis Marcon, chef 3 étoiles, pour une courte conservation de ses langoustines, a indiqué Dominique Loiseau).

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Chez Semilla (Paris 6ème) par exemple, la cuisine est ouverte, on imagine qu'il y a une bonne part de "fait maison" !

Et, au fait, pourquoi c'est important ?

- parce qu'on a le droit de savoir ce qu'on mange, ce qu'on fait absorber à son corps.

- parce que, quand on mange des produits industriels, justement, on ne sait pas ce qu'il y a dedans, et il y a probablement toutes sortes d'additifs (conservateurs, colorants, exhausteurs de goût ou renforçateurs  de texture...) dont la consommation répétée n'est probablement pas la meilleure façon de se nourrir ;

- parce que souvent on risque de payer bien au-delà de la valeur réelle de ce qu'on propose, tous frais compris.

- parce que plus on rencontre d'opacité concernant son alimentation, plus on se méfie, plus on risque peu à peu de développer des comportements d'exclusion de catégories d'aliments, de stress autour des repas, ...

Que peuvent faire les restaurants qui proposent du "fait maison" ?

- Valoriser le fait qu'ils cuisinent des produits frais, parler de leurs fournisseurs, les mettre en valeur sur sa carte (comme le fait par exemple Xavier Denamur aux Philosophes ou comme je l'avais vu dans une crêperie à Quimper-ci-dessous),

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- Eduquer les clients qui se plaindraient de la carte restreinte en leur expliquant (par exemple sur la carte) leur choix d'une cuisine de saison et le nécessaire arbitrage entre les ressources, le prix et le choix.

Comment exercer notre "pouvoir" en tant que clients ?

- demander sur place si c'est du "fait maison" ? Cela parait assez vain, les menteurs péremptoires sont nombreux, on le voit dans des émissions de télé et je l'ai expérimenté moi-même. Une possibilité qui avait été suggérée par Rue 89 était de prétendre une allergie à un composant. Mais je ne suis même pas sûre que cela suffise, je crains que certains ne préfèrent risquer de vous rendre malades plutôt que d'avouer qu'ils ont recours à des produits industriels....

- se méfier de l'équation carte longue-effectif limité-prix réduit : c'est impossible !

- en revanche, choisir nos restaurants : une carte très courte, des intitulés pas trop prétentieux, de la cuisine "du marché" qui change souvent et suit les saisons, des plats ou des desserts qui ne sont pas ceux qu'on voit partout (fuir le plus souvent le moelleux au chocolat ou l'île flottante), éventuellement une cuisine ouverte ou que l'on peut demander à voir, du monde en cuisine (à proportion de la diversité de la carte ou de la complexité des plats). Le site de l'Observatoire des Cuisines Populaires avait interrogé quelques professionnels sur le sujet (intéressant à lire en complément).

- accepter de payer le juste prix : mieux vaut peut-être aller moins souvent au restaurant mais s'offrir un "vrai" restaurant dont vous êtes sûr de la cuisine (si tant est que les "faux" restaurants qui assemblent et réchauffent soient vraiment meilleur marché...).

- accepter, et au contraire, apprécier qu'il y ait peu de choix ou que certains plats soient manquants en fin de service : c'est la rançon de la fraîcheur... Accepter d'attendre un peu un plat (et s'étonner au contraire d'un risotto qui arriverait dans les cinq minutes...).

- donner une éducation gustative aux enfants pour qu'ils soient capables d'apprécier les bons produits et de délaisser la cuisine industrielle aseptisée. Et cuisiner à la maison. Car si au contraire, on s'habitue à des plats industriels chez soi et à l'extérieur, cela deviendra le goût de référence, formaté, celui qui primera peu à peu sur les autres. Quelle tristesse, non ?

Et vous, vous sentez-vous concernés ? Etes-vous vigilants sur ce sujet ? Que faites-vous par exemple ?

NB : Je vous recommande la lecture de l'interview de Xavier Denamur dans Biomood

 

27/11/2013

Attention aux obsessions alimentaires, l'orthorexie peut vous guetter...

Vouloir manger sain, ne pas donner "n'importe quoi" à son corps, quoi de plus normal si on prend soin de soi ? Mais cela peut parfois tourner à l'obsession. Et devenir ce qu'on appelle l'orthorexie (étymologiquement "manger droit"). Un trouble du comportement alimentaire dont j'ai déjà entendu parler à différentes occasions, notamment lors du colloque Ocha sur les alimentations particulières.

Cette fois, c'est le psychiatre Gérard Apfeldorfer qui en a parlé au congrès du GROS, en liaison avec une des peurs décrites par Jean-Pierre Corbeau, celle de l'empoisonnement. Pour nous faire prendre conscience de notre difficile condition d'omnivore, il a commencé par une comparaison avec le koala. Le koala mange uniquement des feuilles d'eucalyptus. Donc le choix est facile pour lui : soit ce sont des feuilles d'eucalyptus et ça se mange, soit c'est autre chose et cela ne se mange pas ! Nous, nous sommes des omnivores, nous avons besoin d'une alimentation variée mais en même temps goûter de nouveaux aliments nous inquiète, on pourrait s'empoisonner. Du coup, nos peurs, notre prudence, sont légitimes mais nous devons parfois passer outre, nous devons "être à la fois conservateurs et aventureux".

Cette peur de s'empoisonner aujourd'hui, elle n'est plus tant liée à un poison réel qu'à des aliments jugés néfastes, dangereux, suspects. Et quand on veut les éviter, on devient de plus en plus strict(e) dans sa façon de manger, on cherche à se nourrir uniquement de "bons aliments". Gérard Apfeldorfer a défini l'orthorexie comme la quête obsessionnelle d'une nourriture parfaitement saine, d'aliments purs, ne présentant aucun danger. En quelque sorte une alimentation qui éviterait toutes les maladies, peut-être qui rendrait immortel ! Mais, affirme-t-il, il n'y a pas d'aliment parfait ! Il est normal de manger des aliments imparfaits, cela fait des années qu'on le fait et notre espérance de vie augmente. Au contraire, nous dit-il, "c'est l'obsession de la qualité alimentaire qui est toxique".

Le psychiatre distingue deux types de comportements orthorexiques : l'hypocondriaque qui vit dans la peur des maladies et espère se protéger via une alimentation parfaite. Et la paranoïaque qui se persuade qu'on veut l'empoisonner. Ce trouble a été décrit il y a quinze ans aux Etats-Unis et il existe un test pour déterminer si on est atteint. Mais on discute sur son échelle. Car où cela commence-t-il ? Comment fixe-t-on une limite claire entre simplement manger sain et avoir un comportement obsessionnel ?

 

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L'orthorexie paranoïaque "se nourrit" de lectures et reportages angoissants (visuel GA)

Sans doute quand cela perturbe sérieusement la vie quotidienne. Quand on se met à refuser systématiquement de manger des aliments qu'on n'a pas choisis soigneusement et cuisinés soi-même, quand on ne peut donc plus partager un dîner chez des amis ou au restaurant, qu'on fait des détours importants pour s'approvisionner, qu'on développe une méfiance permanente vis-à-vis des aliments courants, qu'on supprime de nombreuses catégories d'aliments, que tout cela occupe la majorité des pensées. C'est alors qu'il faut sans doute traiter l'orthorexie, car elle dégrade la qualité de vie : il s'agira de réintroduire progressivement des aliments, de traiter les angoisses associées, de travailler sur les pensées récurrentes autour de la nourriture.

Et comment être aujourd'hui un mangeur heureux ? Le mode d'emploi de Gérard Apfeldorfer : goûter, cuisiner, manger avec plaisir, dans la convivialité, des aliments dont on pense du bien, se méfier en revanche des aliments étranges et non identifiés (il propose 2/3 de confiance, 1/3 de défiance). Et varier son alimentation est la meilleure protection contre les "poisons" éventuels de certains aliments (ce que je ne cesse de répéter...).

Et "prendre le risque de manger comme on prend le risque de vivre" conclut-il...

 

 

21/11/2013

Des peurs alimentaires, vous en avez sûrement. On en a parlé au congrès du GROS

Le congrès du GROS la semaine dernière était consacré aux peurs alimentaires et c'était un article de Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l'alimentation, qui avait donné l'idée de ce thème il y a quelques mois. Il a donc été le premier intervenant du congrès et nous a parlé de cinq peurs liées à la nourriture et du balancier entre les dimensions individuelle et collective de ces peurs selon les époques. Très intéressant !

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1. La peur du manque, ancestrale : la première priorité, c'est déjà d'être sûr d'avoir qu'on aura quelque chose à manger. Et cette peur est stimulante et créatrice de lien social car il est plus facile de se mettre à plusieurs pour chercher de la nourriture (pour chasser de grands mammifères à la préhistoire par exemple...). Etonnamment, cette peur archaïque liée à la survie de l'espèce et collective persiste dans notre société actuelle et devient individuelle même chez des personnes pour qui la nourriture abonde.

2. La peur de l'excès, soit tout le contraire ! Alors qu'à d'autres époques, l'excès était plutôt la marque des classes sociales supérieures, le mangeur hypermoderne ressent aujourd'hui le besoin de se surveiller et encore davantage les femmes urbaines et aisées, dans une surveillance stricte de leur corps. Et s'y ajoute une pression collective via les politiques de santé publique à "faire attention" et donc avoir peur du "trop".

3. La peur de l'empoisonnement : cette peur autrefois liée à l'individu, au vrai poison est devenue collective et spécifique à chaque société qui définit son "répertoire du comestible". avec certains aliments qu'on redoute mais dont certains fascinent et attirent aussi (le poisson japonais fugu par exemple). Et aujourd'hui, ce n'est plus l'individu mais les consommateurs, qui peuvent avoir peur, de façon plus ou moins rationnelle, de tel ou tel aliment ou groupe d'aliments.

4. La peur des sensations : par exemple de l'amer, du sucré, du pimenté ... Certaines sont redoutées comme désagréables mais font partie de rituels imposés, comme le "binge drinking" où une pression des pairs s'exerce sur l'individu.

5. La peur du regard de l'autre : autour de ce qui se passe dans l'acte alimentaire, on peut avoir peur de ne pas avoir les bonnes manières, de ne pas maîtriser les codes d'un groupe, de perdre le contrôle et se lâcher trop, de se sentir coupable de manger alors qu'on est gros, ... toutes émotions qui peuvent dégrader l'estime de soi.

Il a ensuite conclu sur l'incertitude du mangeur contemporain, qui ne sait plus à qui se fier, qui écouter, dans la cacophonie alimentaire et nutritionnelle. Du coup, aujourd'hui cohabitent selon lui :

- une dramatisation par les médias qui présentent des visions du monde "catastrophéthiques"  (néologisme !) où on veut nous convaincre des terribles dangers alimentaires qui nous entourent ;

- des tenants d'une "pensée magique" qui veut se soustraire et s'opposer à la puissance de la science et des experts qui seraient suspects ;

- le développement de fonctionnements en réseau dans des logiques quasi-sectaires, cela créant de nouvelles sociabilités pour manger "entre soi".

Et il s'est dit finalement optimiste, observant des changements positifs dans les projets dans lesquels il est impliqué, autour du goût, de l'éducation alimentaire, ...

Et vous, vous avez des peurs alimentaires ? Influencent-elles votre comportement, votre façon de manger ?

A venir : d'autres billets sur le congrès du GROS