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17/02/2017

Ce n'est pas le pain qui est mauvais...

"Ce n'est pas le pain qui est mauvais... c'est la manière dont on le produit". Cette phrase qui résume plutôt bien mon avis sur le sujet est extraite de la bande annonce d'un film, Regards sur nos Assiettes que j'ai vu et apprécié fin 2015. C'est un documentaire qui raconte l'expédition de quelques étudiants en quête d'acteurs du bien manger. J'avais espéré alors que ce type de film parlerait aux jeunes et apprécié le fait de trouver une initiative positive, porteuse de solutions (comme l'a fait, peu après, le film Demain), à l'envers des émissions souvent catastrophistes de la télé.

Pour revenir au pain, en effet, ce n'est pas le pain en soi qui est mauvais, pas plus que le gluten qu'il contient, mais la façon dont il est produit. Clarifier cela sans relâche me parait absolument essentiel à un moment où la folie du "sans gluten" nous envahit chaque jour davantage. Comme à chaque fois qu'une tendance possiblement rémunératrice émerge, les gros acteurs du marché s'y sont précipités. Et les gourous du bien-être veulent absolument vous convaincre que le gluten est le diable !

J'ai déjà évoqué plusieurs fois la question du gluten, la complexité du sujet, en me situant ni parmi les accusateurs tous azimuts du gluten, ni parmi ceux qui nient totalement le problème et n'y voient qu'une mode.

Comme je l'ai déjà dit, les difficultés naissent souvent de la rencontre d'un intestin sensible et d'un pain peu digeste. Je ne reviendrai pas ici sur le premier aspect et parlerai du pain.

En effet, il y a un réel problème avec une part non négligeable du pain actuel. Fréquemment, on mange du pain qui est produit de façon inadéquate pour qu'on puisse le digérer facilement. Surtout si on un intestin sensible. Comme je l'explique dans mon livre, chaque étape compte pour produire du "bon pain" (d'où ce dessin que j'avais improvisé pour une rencontre autour du pain). C'est-à-dire un pain bon pour le goût mais aussi la digestibilité, le rassasiement, la conservation, la santé. Bon, ne cherchons pas forcément le pain parfait mais plutôt celui qui convient à notre corps, à notre goût, peut-être un peu à notre tête et nos convictions aussi.

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Le pain, c'est simple et très compliqué à la fois. Le pain, basiquement, c'est de la farine, de l'eau, un peu de sel et du levain ou de la levure. Mais pas n'importe lesquels, pas n'importe comment. Tout compte et cela peut tourner bien ou mal.

1. Le paysan / la culture du blé (la grande majorité du pain est fait à base de blé)

Depuis quelques décennies, à l'exception de quelques productions minoritaires, on a sélectionné et standardisé des blés pour leur résistance et leur qualité panifiable, leur capacité à donne un gluten solide, et pas prioritairement pour leur qualité digestible. Au contraire même ! On s'en rend compte maintenant ! Jean-François Berthelot explique bien que l'on a privilégié des "blés de force" plus riches en gliadine et donc en gluten. Aujourd'hui, la majorité des boulangers sont liés aux grands meuniers. On trouve cependant des meuniers et donc des boulangers qui travaillent à partir de blés anciens ou de "blés de population", non standardisés, qui s'ils sont bien travaillés donneront un pain digeste.

2. Le meunier / la mouture

Au mieux, elle est faite sur meule de pierre, ce qui préserve l'intégralité du germe de blé et ses nutriments. Plus la farine est ensuite utilisée fraîche, lieux sont préservés arômes et bienfaits nutritionnels. La mouture automatisée la plus fréquente aujourd'hui broie plus "violemment" les épis de blé et fournit une farine appauvrie. 

3. Le boulanger / le pétrissage, la fermentation, la cuisson

Le boulanger utilise-t-il du levain ou de la levure ? Fait-il un pétrissage court ou long ? Laisse-t-il sa pâte fermenter lentement ? Comment le pain est-il cuit ? Un pétrissage court préserve les qualités de farines fragiles et leurs arômes. L'usage de levain a un rôle non seulement dans les arômes mais aussi dans la conservation et la digestibilité du pain. Une lente fermentation, en deux étapes, jouera un rôle dans les arômes et la digestibilité du gluten. Les boulangers exigeants sont également attentifs à la qualité de l'eau.

Le pain est ensuite cuit suffisamment pour avoir une croûte de bonne épaisseur qui participe au plaisir gustatif par son croustillant et ses arômes et à la conservation en préservant l'humidité de la mie.

Un pain fait avec de la levure, une fermentation très courte, une cuisson insuffisante n'apportera pas de plaisir, présente un risque de digestion difficile et ne se conserve pas du tout.

Le site Bastamag avait publié un article intéressant sur la qualité du pain et le travail de boulangers

4. La dégustation / Le mangeur

Le mangeur réclame-t-il une "baguette blanche" molle ? Se précipite-t-il sur le pain tout chaud ? Le mange-t-il goulûment ou prend-il le temps de mâcher ? Un pain chaud contient encore du gaz carbonique qui risque de créer des ballonnements.

Toutes ces étapes concourent à rendre un pain plus ou moins digeste, plus ou moins rassasiant et plus ou moins riche en nutriments. La dimension de la digestibilité me parait nécessairement à prendre en compte au moment où on diabolise le gluten : si on ne digère pas, c'est simple, on arrête de manger du pain ! Et malheureusement, beaucoup de personnes, par peur irraisonnée du gluten ou inconfort réel, cessent de manger du pain. Alors qu'il y a pain et pain !

Le pain peut avoir tout faux, en cumulant les étapes qui vont le rendre particulièrement indigeste (farine industrielle de blé standardisé, fermentation courte, ajout d'additifs voire de gluten sec, cuisson insuffisante, pain mangé vite et chaud). Mais parfois, une étape peut en compenser une autre : même s'il n'a pas la meilleure farine du monde, un bon boulanger qui prend son temps fournira un pain déjà bien plus digeste que beaucoup d'autres.

Pour ma part, je n'ai aucun problème de digestion à ce jour mais je prends en compte différents critères :

- évidemment un pain doit être bon au goût et pour ma part, j'aime une croûte assez épaisse, bien cuite mais surtout pas brûlée (j'ai d'ailleurs participé à un intéressant débat sur la croûte du pain, organisé par le (très intéressant) site gastronomique Bruit de Table, avec notamment le passionnant et passionné et expert Steven Kaplan), des arômes et saveurs agréables sans une trop forte acidité.

- un pain qui se conserve facilement 2-3 jours au moins, qui même s'il est plus cher à l'achat, finit par être plus rentable qu'une baguette vite insipide,

- un pain d'un boulanger qui travaille de façon artisanale, avec du levain, et si possible que toute la chaîne, pour ce que je peux en connaître, soit vertueuse. 

Avec tout cela, j'ai à peu près totalement abandonné les baguettes de proximité (d'autant plus facilement que je n'ai plus de boulangerie satisfaisante dans mon environnement immédiat). Du coup, je fais en général du chemin pour aller chercher du bon pain, j'en achète en quantité pour en manger quelques jours et en congeler une partie.

Selon que vous avez un intérêt au goût, une sensibilité digestive, une attention à une chaîne de production vertueuse, vous pouvez vous orienter vers tel ou tel boulanger de votre proximité. Si vous pensez digérer mal le pain, je vous conseille, sans arrêter totalement, de procéder par étapes :

- d'abord, ne pas se tourner vers du pain complet, en général moins digeste si on un intestin sensible,

- abandonner le pain de mie industriel si c'est ce que vous consommez, ainsi que les pains cartonneux de votre cantine.

- diminuer les quantités de votre pain habituel, en manger un peu en le mâchant bien.

- si cela n'améliore pas les choses, rechercher du pain au levain (en vous assurant que c'est un pain uniquement au levain)

- si cela ne suffit toujours pas, chercher des boulangers travaillant avec des farines de blés anciens ou de petits moulins artisanaux.

Il ne faut pas désespérer. Plutôt que d'arrêter carrément le pain en écoutant tout ce qu'on dit sur le gluten, ou se tourner vers du pain sans gluten, on peut consacrer un peu d'énergie à trouver du bon pain si on aime ça.

De plus en plus d'artisans-boulangers s'extraient des circuits traditionnels, trouvent des farines de petits moulins, préparent leur pain en prenant le temps nécessaire. 

Il y a par ailleurs, comme dans d'autres cultures, du bio et du non bio. Le bio n'est pas une garantie selon moi de "bon pain". On n'est pas obligés de manger du pain bio mais si on veut manger du pain complet, il est vraiment préférable de le choisir bio car il garde l'enveloppe du grain de blé. Par ailleurs, je ne suis pas persuadée de l'intérêt de se tourner vers du pain complet. Un bon pain au levain sera aussi nourrissant.

Voici quelques adresses dont j'ai goûté le pain et que j'apprécie. C'est personnel et évidemment non exhaustif.

A Paris 

Le Bricheton, dans le 20eme, me réjouit. De bonnes farines, un travail attentionné avec le temps qu'il faut. Il n'est pas très central et a des horaires limités mais ses pains sont vraiment très bons et je fais le déplacement.

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A La Gambette à Pain, dans le 20ème, Jean-Paul Mathon propose un merveilleux Pain préféré au goût fumé que j'aime beaucoup mais c'est loin pour moi et fermé le week-end.

La Boulangerie Bonneau citée plus haut, dans le 16ème propose certains jours de la semaine (se renseigner), des pains réalisés avec les farines de Roland Feuillas.

Thierry Delabre, le "boulanger clandestin" / Panadero Clandestino travaille avec des farines de grande qualité et essaie sans relâche d'améliorer ses pains avec passion. Il a un fournil dans le 13ème mais ne vend que sur réservation ou dans quelques boutiques dépositaires.

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J'ai aimé aussi les pains de la boulangerie Dupain, dans le XIème.

J'aime aussi le pain du Coin de la boulangerie Liberté et, de temps en temps, il me dépanne bien quand j'en trouve chez le Causses voisin. Mais c'est déjà une vision moins artisanale du pain, quand il y a plusieurs boutiques.

Mise à jour octobre 2017, Roland Feuillas, le boulanger de Cucugnan, a ouvert une boulangerie à Paris, Au Fournil des Champs (58 rue Pierre Charron dans le 8eme), en partenariat avec Le Pain Quotidien, et on y trouve des pains faits avec des blés de Cucugnan et farine moulue sur place)

A MarseilleDame Farine fait des pains originaux et délicieux, est attentive au choix des farines (blés anciens et biologiques) et essaie patiemment jour après jour, sans relâche, d'éduquer sa clientèle à comprendre ce qu'est du bon pain.

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A Aix, le Farinoman Fou, Benoît Fradette produit une variété de pains nourrissants, atypiques et délicieux.

A Bordeaux, j'ai découvert récemment le boulangerie Hermelin qui est attentif au choix de ses farines, propose une large variété de pains et essaie d'éduquer à des pains peu habituels en faisant beaucoup goûter.

Parmi ceux qui travaillent sans relâche à valoriser une façon vertueuse de faire du pain, il y a bien sûr à Cucugnan, un des initiateurs passionnés du renouveau du pain, le paysan-meunier-boulanger Roland Feuillas. Il a mis en place un réseau de boulangers 100% nature et forme des boulangers/partage son avoir sur les graines et le pain. On peut l'écouter là.

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Il y a aussi le passionnant Nicolas Supiot, qui fait calmement son pain jour après jour pour un nombre limité de familles. France Inter l'avait rencontré aussi.

Il y a d'autres paysans-boulangers, peut-être de plus en plus, d'autres sont cités ici. Mais le boulanger n'est évidemment pas obligé de devenir paysan. Il peut chercher les blés et les farines qui lui conviennent. Nous consommateurs pouvons défendre les boulangers artisans qui travaillent honnêtement et font du pain avec de bonnes farines, travaillent au levain, une tâche beaucoup plus engageante au quotidien que le pain fait avec de la levure.

Si vous avez non pas une intolérance avérée mais une sensibilité vis-à-vis du gluten, essayez de trouver et goûter des pains au levain faits avec des farines issues de blés paysans, de blés anciens. Beaucoup de boulangers témoignent que ces pains sont très bien digérés par des personnes sensibles aux pains "classiques".

Alors, soyez curieux,  cherchez de l'information dans votre environnement, posez des questions, cherchez les boulangers passionnés, partez à la découverte !...Si vous en ressentez l'envie/le besoin évidemment !

 

 

07/07/2014

Arrêter le gluten, une solution de facilité ?

Peut-être allez-vous trouver ce titre un peu provocant ou déplacé... Voici un billet un peu rapide, né d'un agacement, autour d'un sujet fort complexe sur lequel je reviendrai en détail à la rentrée.

Bien sûr, je ne parle pas des personnes chez qui l'on détecte une intolérance (et non allergie) au gluten, aussi appelée maladie coeliaque, qui n'ont d'autre choix que d'éliminer totalement et rigoureusement le gluten de leur alimentation. Ces personnes-là ne le vivent pas forcément bien, partagées entre le mieux-être ressenti (après parfois un long parcours pour arriver au diagnostic) et la difficulté de suivre ces règles au quotidien quand on doit manger à la cantine, au restaurant, chez des amis, faire les courses... Ils peuvent notamment trouver des infos via l'AFDIAG.

Je pense aux autres, les personnes qui soit ressentent un inconfort digestif réel, soit vont très bien mais pensent qu'elles iraient encore mieux sans gluten (j'avais parlé de cette graduation dans ce billet qui tentait de faire un point un peu synthétique sur le sujet).

L'inconfort physique

Les gastro-entérologues (une partie, du moins...) reconnaissent aujourd'hui qu'il existe, en dehors de la maladie coeliaque, ce qu'on appelle une hypersensibilité au gluten, qui crée un inconfort digestif mais qu'on ne détecte pas par les analyses traditionnelles.

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Donc, pour l'instant, on incrimine le gluten, c'est une voie simple (en théorie, en pratique un peu moins, je le disais) d'avoir ainsi un seul coupable, et puis on en parle beaucoup dans les médias, donc on alimente la machine à incriminer. On y ajoute parfois (même souvent) le lait.

J'étais récemment à un colloque de l'Institut Pasteur à Lille et les premières études (insuffisantes pour tirer des conclusions) s'interrogeaient sur le rôle véritable du gluten dans cette hypersensibilité, vs peut-être certains "FODMAPS", composants fermentescibles, parmi lesquels les fructanes présents entre autres dans le blé. Il est très difficile et long d'avoir des résultats d'études car les protocoles sont très complexes si l'on veut être parfaitement rigoureux.

Et si on suspecte les FODMAPS dans son inconfort individuel (cette approche a clairement le vent en poupe en Amérique du Nord après l'Australie), il faut se lancer dans un protocole long prenant en compte beaucoup d'aliments pour savoir en fin de compte lesquels on supporte ou pas. Les patients n'ont pas forcément le courage de cette recherche au long cours et choisissent parfois l'abandon du gluten sans savoir si c'est vraiment le responsable.

Mais alors, direz-vous, comment expliquer que beaucoup de personnes qui arrêtent le gluten disent aller nettement mieux ? Cela prouve-t-il que la cause de leur inconfort était le gluten ? Quand on arrête le gluten, peut-être arrête-t-on de se gaver de baguette molle ou de pain de mie. Peut-être diversifie-t-on davantage son alimentation. Peut-être se met-on à cuisiner plutôt que d'acheter des plats préparés... Donc est-ce seulement l'arrêt du gluten qui crée le mieux-être ?

Et plutôt que d'arrêter le gluten en bloc, peut-être peut-on améliorer le gluten qu'on absorbe : ne pourrait-on pas rechercher des aliments pourvus de gluten mais qu'on arrive à digérer plus facilement, le pain notamment : le type de blé, de mouture, de farine, de fermentation, ... ont une influence et il y a pain et pain, gluten et gluten...

Par ailleurs, j'expliquais dans mon précédent billet qu'il ne fallait pas considérer les seuls aliments mais bien l'interaction, unique, entre les aliments et notre système digestif. Là encore, c'est un vaste domaine, encore en grande partie inexploré, auquel s'attaque la recherche. Mais on sait déjà le rôle de ce qu'on appelle désormais le microbiote intestinal : du point de vue des milliards de bactéries qui peuplent notre intestin, nous sommes tous différents dans ce domaine et il apparaît que le manque de diversité de cette flore bactérienne ou le manque de bactéries protectrices dans l'ensemble aurait une influence sur de nombreuses pathologies. Mais ce n'est probablement pas irréversible : les mécanismes ne sont pas encore expliqués mais il semble qu'avoir par exemple une alimentation variée, équilibrée, tende à améliorer la diversité bactérienne. Peut-être certains probiotiques aussi (mais pas tous et différemment pour chaque personne), c'est un sujet que je commence à creuser.

L'inconfort psychologique

Aujourd'hui, il y a beaucoup plus de personnes qui arrêtent le gluten que celles qui ont un véritable inconfort. Même les chefs s'y mettent, argumentant que c'est tellement stimulant pour leur créativité. OK. Mais plus léger ? Meilleur au goût ? Pour ma part, je ne cesse de me régaler dans des restaurants AVEC, qui ne proposent pas forcément une cuisine lourde et insipide !

Car, plutôt que supprimer le gluten et penser que manger SAIN est forcément manger SANS (réécouter ma Minute Gourmande sur le sujet), on peut, si on en ressent le besoin, se poser, prendre du recul sur son alimentation, consacrer davantage de temps à faire les courses et à cuisiner, introduire davantage de variété et se faire du bien ainsi, sans forcément supprimer des catégories d'aliments.

Et surtout, se rappeler que CHAQUE PERSONNE EST UNIQUE, à elle de trouver le mode alimentaire qui lui convient, au-delà des modes et des modèles.

Je reviendrai sur ces sujets à la rentrée mais vos commentaires sont bienvenus dès maintenant.

Visuel © ようへい - Fotolia.com

22/02/2013

Gluten ou sans gluten, rien n'est simple !

Bon, vous avez lu (ou pas) les épisodes précédents. Vous avez un avis (ou pas) sur la question du gluten. Vous vous demandez peut-être pourquoi certains en font tout un plat ou au contraire vous trouvez que l'on ne prend pas ce sujet assez au sérieux. Je ne vais sans doute pas répondre à toutes vos questions sur ce vaste thème, je souhaite juste vous faire prendre conscience que le sujet est vraiment complexe et peut-être vous amener à réfléchir un peu sur votre relation à certains aliments.

D'abord, voilà un petit schéma pour résumer la situation et vous montrer :
- que les choses ne sont pas tout blanc ou tout noir mais qu'il y a quelques nuances de gris... comme le disait aussi Florence mercredi,
- que cette situation est due à de multiples facteurs.

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Le gluten c'est quoi ?
C'est une protéine contenue dans le blé, le seigle, l'orge, l'avoine. Récemment, on a dit que l'avoine était toléré par les personnes intolérantes au gluten. On peut se demander si c'est encore un coup du Dr D. pour vendre son son d'avoine ! (je suis mauvaise langue, en fait, ce n'est pas le même type de protéine !).

A l'une des extrémités du schéma, il y a l'intolérance au gluten ou maladie coeliaque : le fait de manger des aliments contenant du gluten attaque les villosités de la paroi de l'intestin et cela crée douleurs, fatigue, perte de poids, ... Cela arrive souvent dès l'enfance mais aussi potentiellement vers 40 ou 50 ans. Si on a des présomptions d'avoir cette intolérance, il faut vraiment faire des examens sanguins pour le vérifier plutôt que de décider seul(e) d'arrêter le gluten.

Lors d'une excellente émission "Service Public" sur France Inter il y a quelques mois, le professeur Yorham Bouhnik, chef du service de gastro-entérologie à l'hopital Beaujon disait qu'on constate maintenant qu'il y a différents degrés de maladie coeliaque, avec différents symptômes, mais qu'en l'absence de diagnostic avéré, "arrêter le gluten est abusif". Il a vraiment insisté sur la nécessité de dépister d'abord si on pense détecter des symptômes et surtout de ne pas arrêter le gluten de soi-même car ensuite le diagnostic ne sera plus possible, ou vraiment compliqué. Et on risque alors peut-être de se priver à vie du gluten sans bonne raison...

Si vous avez cette intolérance avérée, cela vous prive de certains aliments de base et cela vous oblige à cuisiner le plus souvent (ce qui n'est pas forcement à regretter...) car beaucoup de produits industriels peuvent contenir du gluten. Mais vous avez à votre disposition le riz et la farine de riz, le maïs (et donc la maizena et la polenta), la pomme de terre, le sarrasin (non panifiable mais qui fait de délicieuses crêpes), la farine de pois chiches, ... Et grâce à internet, on peut maintenant avoir accès à une multitude d'idées de recettes et de conseils pratiques.

Une des choses les plus compliquées est aussi de sortir au restaurant. On commence à trouver des infos, des lieux spécialisés. Il y a aussi le très utile site et les actions de l'AFDIAG, l'Association Française des Intolérants au Gluten.

A l'autre extrémité, il y a des personnes, comme moi, qui n'ont pas d'inconfort lié au gluten ou à d'autres aliments et qui mangent de tout. Elles sont libres de supprimer des catégories d'aliments mais elles ont intérêt à y réfléchir, à se demander  pourquoi elles le font, à rééquIlibrer avec autre chose si elles éliminent une catégorie entière, ....

Mais je vous disais que la situation n'est pas binaire et, entre ces deux extrêmes, il y a toutes sortes de perceptions qui font que beaucoup de personnes, visiblement de plus en plus, ressentent des inconforts permanents ou occasionnels, intenses ou légers. Les causes sont multiples et complexes :

L'évolution du gluten des aliments

Comme le disait Roland Feuillas dans le billet d'hier, le gluten, par exemple dans les farines qui servent à faire le pain, a largement évolué, est de plus en plus raffiné, est de plus en plus présent. Puis le pain n'est pas forcément le même qu'il y a 50 ans. Cela, il n'est pas certain que notre organisme soit prêt à le supporter... Et le fait qu'on ait une alimentation de plus industrialisée avec souvent la présence de gluten crée peut-être une sorte de saturation...?

Les autres sources d'inconfort

De très nombreuses personnes souffrent d'inconfort intestinal, de mal au ventre, de ballonnements, de digestion difficile. Jusqu'à il y a peu de temps, leur médecin, voire le gastro-entérologue n'y voyait aucune raison physiologique et on a qualifié ces symptômes de "syndrome de l'intestin irritable", de "colopathie fonctionnelle", ... Certains attribuaient cela au seul stress, laissant parfois les patients désemparés, agacés, perplexes. Des recherches, notamment australiennes, ont montré qu'il y a bien certains composants de notre alimentation que nous avons, pour certains d'entre nous, du mal à digérer. Le gluten en fait partie. Mais ne mettons pas tout sur son dos ! Il y a des tas d'autres composants, et on les regroupe sous l'acronyme "FODMAPS" dont je vous reparlerai plus en détail.

FODMAP, ce terme mystérieux, cela signifie de façon barbare, retenez votre souffle : "Fermentable Oligo-Di-Monosaccharides and Polyols" en anglais ou alors "Fermentescibles Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides & Polyols. Cela recouvre toutes sortes de molécules présentes dans de nombreux aliments, notamment par exemple (de façon non exhaustive) :

- le fructose de certains fruits (pomme, poire, ...) et présent dans de nombreuses boissons et produits transformés,

- les fructanes présents dans les oignons, l'ail (en quantité), certains légumes,

- les polyols qu'on trouve dans de nombreux produits "sans sucre": chewin gum, bonbons, ...

Chez certaines personnes, certaines de ces molécules sont mal digérées et fermentent dans le système digestif créant un inconfort plus ou moins intense. Parmi tous ces produits, ceux que l'on tolère plus ou moins sont très variables selon chaque personne. Il n'est donc pas question d'éliminer "sauvagement" tel ou tel aliment mais de mener éventuellement une observation attentive puis éventuellement de faire l'expérience d'une période où l'on arrête un aliment suspecté.

Le système intestinal et le microbiote

Notre organisme aussi joue un rôle bien sûr. Notre système digestif, qu'on appelle maintenant le "deuxième cerveau" est d'une immense complexité, encore partiellement méconnue. Et il englobe ce qu'on appelle le microbiote, qu'on nommait avant la "flore intestinale". Un monde microscopique, très peuplé (des milliards de bactéries), pas encore très bien connu non plus et propre à chacun. La tolérance plus ou moins grande de notre système digestif aux aliments, elle peut être due à de multiples facteurs, qui vont de la façon dont la mère a accouché (la césarienne joue un rôle) à la prise d'antibiotiques en passant par l'alimentation, ...

Si vous voulez explorer un peu ce monde mystérieux, vous pouvez notamment écouter La Tête au Carré justement sur France Inter cette semaine.gluten_interaction2.jpg

L'interaction entre l'alimentation et le système digestif de chacun est complexe et unique !

 

Les habitudes alimentaires

Parfois, par facilité, on va incriminer tel ou tel composant car cela parait simple de l'éviter. Mais quelquefois il serait plus utile et adapté de prendre du recul sur ses habitudes alimentaires. Est-ce qu'on a une alimentation très riche qu'on digère mal, est-ce qu'on manque de fibres facilitant le transit, est-ce qu'on mange à toute vitesse sans beaucoup mâcher rendant la digestion pénible, est-ce qu'on mange en quantité exagérée et qu'on sort de table en se sentant plus que rassasié... ? N'est-ce pas tout cela qu'il faudrait regarder de plus près ?Fotolia_©viperagp.jpgJe me suis ainsi amusée (si on peut dire) de ce dialogue entendu entre deux jeunes femmes au Café Pinson :
L'une : "j'ai arrêté le gluten parce que quand je mangeais beaucoup de pain, j'avais mal au ventre !"
Réponse de l'autre : "mais si tu manges beaucoup de pain sans gluten, tu auras probablement mal
au ventre aussi !"

Il m'est ainsi arrivé de recevoir des personnes qui se plaignaient d'avoir mal au ventre après avoir avalé une baguette de pain entière à toute vitesse... En réapprenant à manger doucement et en quantité adaptée, le mal de ventre a disparu...

La psychologie

Il y a des personnes qui décident du jour au lendemain de se priver des aliments sources de gluten et qui tout à coup se sentent tellement mieux... Est-ce que ce ne serait pas leur tête plutôt que leur corps qui leur dirait cela ? Alors qu'elles ont mangé du pain, des pâtes, des biscuits pendant des années sans aucun inconfort. Que sont leurs motivations ? Comme le dit Florence, c'est  parfois reprendre une forme de maîtrise. Comme l'a évoqué Gérard Apfeldorfer dans un très intéressant article de Psychologies, la distance de plus en plus grande avec les composants de notre alimentation, la méconnaissance des modes de fabrication, les inquiétudes générées par ce côté abstrait (cf la récente "crise des lasagnes") génèrent des peurs et nourrissent cette envie de maîtrise. 

Pour certaines autres personnes, c'est probablement l'attirance pour une mode qui va passer plus ou moins vite, être remplacée par une autre. Mais elles peuvent parfois être influencées par les tendances venues des Etats-Unis et propagées par quelques vedettes. Mais aux Etats-Unis, se sent-on mieux parce qu'on a arrêté le gluten ou parce qu'on a arrêté la junkfood ?

Alors bien sûr cette tendance participe à une meilleurs prise en compte de la maladie, notamment par les industriels qui ont vite flairé une tendance potentiellement rémunératrice. Mais a-t-on vraiment envie d'être la "victime" crédule de leurs argumentaires commerciaux ?

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Cela peut bien sûr faciliter la vie des intolérants. Mais ce qui m'agace, c'est que cela semble banaliser la vraie souffrance des personnes qui ont une intolérance au gluten (ou maladie coeliaque) diagnostiquée et qui rêvent peut-être, elles, de pouvoir manger autrement. Quand la part de mode sera passée, ces personnes vont continuer à souffrir, pensera-t-on moins à elles alors ?

En fait, si vous devez retenir une chose, c'est vraiment que chaque personne est unique et devrait, plutôt que prendre des décisions basées sur des discours généraux, surtout apprendre à s'écouter et bien se connaître, et faire appel à des professionnels compétents et des examens adaptés si besoin.

 
Visuels © jas et © ivolodina - Fotolia.com (le schéma du haut est de moi)

20/02/2013

Parlons du gluten : la parole à Flo "Makanai"

Sur ce sujet complexe et controversé du gluten dont je vous parle cette semaine, j'ai décidé de donner la parole à deux personnes concernées de très près.

D'abord Flo "Makanai". Florence tient depuis plusieurs années (elle a récemment fait une pause puis repris un peu différemment) un blog très riche, plein d'informations, de conseils et de recettes à l'intention des personnes ayant une intolérance alimentaire, car elle-même a dû affronter cette situation au sein de sa famille. Elle a acquis des connaissances pointues sur le sujet, qu'elle a aussi partagé dans un livre vraiment très bien fait sur le sujet.

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Je lui ai posé trois questions autour de la problématique du gluten.
 
1. Pourquoi y a-t-il selon toi un tel engouement pour le "sans gluten" aujourd'hui ?
 
Je pense qu'il y a plusieurs raisons, parce qu'il y a plusieurs profils de consommateurs de "sans gluten". Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne et il est donc important de ne surtout pas vouloir stéréotyper le mangeur "sans", le mangeur "autrement" de façon générale, ce serait un mépris dangereux.
 
Il y a d'abord des raisons subjectives :
- manger "sans gluten" est un moyen comme un autre pour beaucoup, de se (re)focaliser sur leur propre personne. La vie va si vite et est si complexe que nous allons plutôt mal (stress, déprime, fatigue et maladies physiques...). Nous avons l'impression de n'avoir que peu de contrôle sur tout cela. Nous avons envie de reprendre les rênes de nos vies, d'en redevenir acteurs... Quelle meilleure façon de se remettre au centre de ses propres préoccupations, de son monde, que de surveiller attentivement ce que l'on va manger, se faire à manger ? Je crois vraiment qu'en ce sens, le "sans gluten" est un régime parmi des dizaines d'autres, particulièrement attractif pour ceux qui ont besoin de vérifier que seul ce qu'ils veulent rentre dans leur corps.
- manger "sans gluten" permet de se singulariser. Et nous sommes nombreux à aspirer à cette singularité, à avoir besoin de nous sentir hors du lot, différent, dans un monde qui tend à tout uniformiser, à vouloir nous imposer un modèle unique de "vie comme il faut", une pensée unique. Dans la même veine, manger "sans gluten" peut donner l'impression d'appartenir à une minorité "qui sait" ce qui est bon, générer un sentiment de supériorité qui peut faire du bien si l'on a peu de confiance en soi.
- le "sans gluten" est très médiatisé : certaines personnes optent certainement pour cette alimentation juste parce que c'est tendance... Exactement comme elles achèteront des chaussures hideuses qui leur font mal aux pieds juste parce que X ou Y, star de la mode, les possède. Ces personnes-là laissent les autres penser à leur place, rien d'autre (on peut les espérer ultra minoritaires, mais elles existent, c'est évident).
 
Mais surtout, il y a des raisons objectives :
- il est indiscutable que le gluten (en particulier celui du blé, mais celui du seigle aussi) a envahi notre alimentation et met en péril notre équilibre alimentaire. Si l'on regarde par exemple les préconisations de l'Université de Harvard concernant une assiette saine, notre consommation quotidienne devrait être composée de fruits et légumes à 50%, protéines saines à 25 % et céréales ou assimilés complets à 25 %. Bon, cette assiette n'est pas idéale (où sont les graisses, par exemple, indispensables ?) mais elle est tout de même très sensée. Or, même chez moi, qui consomme énormément de fruits et de légumes mais (sans doute trop) peu de protéines, la part des céréales et assimilés a tendance à couvrir 50 % de mon alimentation. Alors chez tous ceux qui ne consomment quasi pas d'autre légume que la sauce tomate sur leur pizza ou la feuille de salade du sandwich, pas d'autre fruit que la compote de pommes de leur beignet ou les fruits séchés dans leur céréales du petit déjeuner... C'est plus simple de passer au "sans gluten", pour certains, à l'écoute des discours qui mettent ce dernier en cause dans plusieurs maladies, plutôt que de manger bien plus de légumes et de fruits.
- il me semble indiscutable aussi que le gluten que nous consommons aujourd'hui n'est pas celui de nos ancêtres, et qu'il pourrait bien ne pas convenir plus que cela à nos santés.
- ce qui m'amène à un dernier point : les gens qui cessent de consommer du gluten se sentent généralement bien mieux dans leur peau, sont moins malades, ont plus d'énergie, meilleur moral etc. Ce n'est quand même pas à négliger !Photo Flo Makanai 1 MO.jpg

2. Quels sont les avantages et les inconvénients de cet engouement pour les personnes atteintes de la maladie coeliaque ?
Je crois fermement qu'il existe un niveau intermédiaire entre le non intolérant au gluten et le malade céliaque : la personne (hyper)sensible au gluten. De très nombreux travaux sont entrepris dans le monde scientifique sur cette question de la sensibilité au gluten, des experts affirment que cette sensibilité existe. Mais en France, elle est niée. L'humain n'est pas malade ou pas malade, céliaque ou pas céliaque, il existent des foules d'états intermédiaires de mal-être plus ou moins prononcé... Doit-on les ignorer purement et simplement ? Pourquoi ?

Les avantages : un meilleur étiquetage alimentaire, une offre bien plus importante de produits "sans", une meilleure considération de leur maladie, des moyens mis en place pour aider leur participation à la vie en collectivité (admission dans des cantines avec menus "sans", par exemple)...

Les inconvénients : Le premier inconvénient auquel je pense n'est pas dû à l'engouement en tant que tel mais aux réactions de tous ceux qui se permettent de décréter que le "sans gluten" n'est qu'une mode sans fondement, juste parce que le gluten ne leur fait aucun effet. Ces réactions nourrissent le mépris envers les intolérants au gluten, et plus généralement envers ceux qui mangent "autrement". C'est très dommage. Le deuxième inconvénient est que ceux qui crient haut et fort être intolérants au gluten mais qui mangent toutefois et en public des aliments qui en contiennent quand cela leur chante, alimentent l'idée que tout cela n'est que balivernes...

3. Comment souhaiterais-tu que la situation évolue concernant le gluten ?
 Je voudrais que la France envoie un ou plusieurs experts indépendants dans les réunions internationales qui réfléchissent sur les maladies liées au gluten.
Que la France finance des labos de recherche pour que, en toute transparence, sans pression de tel ou tel lobby, la qualité du gluten que nous ingérons massivement chaque jour soit analysée.
Que le PNNS abandonne des idées comme 5 fruits et légumes mais adopte une image d'assiette équilibrée comme la Healthy Plate que j'ai citée plus haut, pour que chacun limite la quantité de céréales, donc de gluten mais pas que, que nous ingérons chaque jour...
Et que l'offre du "sans gluten" en supermarché devienne une offre de qualité, parce qu'aujourd'hui c'est une catastrophe : amidon, amidon et encore amidon, gomme de ceci, mauvaises huiles, mauvais sucres, et j'en passe... Le "sans gluten" est aujourd'hui principalement de la malbouffe ! Sauf bien sûr pour celui qui mange surtout des fruits, des légumes et des protéines, et limite son apport en céréales et assimilées à 1/4 de son assiette max, on en revient encore et encore là...
 
Merci beaucoup Florence pour ta franchise, ta clarté et ton envie de faire bouger les choses !

19/02/2013

J'ai testé pour vous... la vie sans gluten !

Cela fait pas mal de temps que j'ai l'intention de vous parler du gluten. Car le thème est très souvent sur le tapis, donne lieu à débats et les voix anti-gluten sont de plus en plus nombreuses. Encore davantage ces dernières semaines. D'où des interrogations, une certaine confusion Je vais y revenir.

Mais d'abord, comme je l'avais fait pour le lait, j'ai eu envie de me livrer à une petite expérience personnelle. Je viendrai donc à des réflexions plus générales ensuite, c'est pourquoi je vous demanderai si possible de réserver vos commentaires et questions plutôt aux prochains jours où je donnerai notamment la parole à des personne particulièrement concernées. Vous y trouverez peut-être des réponses à vos préoccupations.

Je disais donc que j'ai voulu me mettre dans la peau d'une personne qui arrête le gluten. Je n'en attendais pas de bienfait physique car je n'avais conscience d'aucun inconfort lié à ma consommation, assez importante, de gluten (pain, pâtes, céréales). Ce qui m'intéressait surtout c'était de voir l'impact psychologique d'une telle décision, quelles contraintes, difficultés on rencontre, comment en parler, comment gérer les sorties....

Le gluten est bien présent dans mon alimentation, tous les jours, presque à chaque repas : des céréales diverses le matin, du pain très régulièrement, des pâtes souvent et aussi pizza, biscuits, pâtisseries. Il fallait donc trouver quelques aliments de substitution. Je n'étais en revanche pas trop inquiète quant au besoin de pister le gluten et ses traces dans les produits car je suis assez peu consommatrice de produits industriels.  L'expérience a duré une huitaine de jours (en fait 10 jours mais avec une interruption car je n'ai pas pu résister à l'appel de Miss Suzette !), durée très courte, car cela aurait été difficile d'obtenir l'assentiment de Monsieur pour une longue période (j'ai d'ailleurs profité en partie d'une courte absence de sa part).

J'avais décidé de ne rien changer à mes habitudes de vie : des déjeuners mi-préparés maison mi- extérieurs, quelques sollicitations externes, ... Alors, voilà comment cela s'est passé :

J0 : constitution de provisions particulières au magasin bio :
- du "pain des fleurs" : la plupart des personnes arrêtant leur consommation de gluten connaissent ces petites "biscottes" à base de farine de sarrasin. Objectif : remplacer le pain en cas de besoin.
- du tamarin pour remplacer la sauce soja qui, même venue directement du Japon, contient blé et orge, pour cuisiner japonais éventuellement.
- du muesli sans gluten. Je prévois des petits déjeuners à base de smoothie certains jours mais ce muesli pourra remplacer d'autres mélanges de céréales pour les petits déjeuners de semaine.
C'est tout. Pour le reste, il y a viande, poisson, oeufs, riz, lentilles, légumes, fruits, laitages disponibles : de nombreux aliments sans gluten qui font partie de mon alimentation.

Au petit déjeuner, j'ai alterné smoothie, pain des fleurs et confiture, muesli et fruits. Ce muesli n'est pas mauvais (et garanti sans traces, c'était le seul, j'ai soigneusement lu toutes les étiquettes).

J1 :
Déjeuner : repas à l'extérieur dans un restaurant asiatique : des raviolis chinois (farine de riz) et des crudités, pas de certitude absolue sur l'absence de gluten, j'ai oublié de poser la question.
Soir : Monsieur cuisine : riz japonais avec oeuf-saumon- légumes, sans sauce ajoutée.

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J2 :
Déjeuner et déjeuner à la maison : riz, poisson, légumes.

J3 : cette journée apparait plus compliquée...
Déjeuner : je suis en colloque au Cnit à la Défense. Je me suis posée la question d'apporter mon repas mais ce n'était pas pratique et en général c'est le genre d'occasions où je rencontre des collègues notamment au déjeuner. Je n'ai pas envie de rater cette occasion de convivialité, en espérant éventuellement faire steak-pommes de terre à l'Hippo... En fait, le hasard de la conversation a fait que j'ai dû "avouer" mes pratiques à mes collègues. Elles ont été très compréhensives et prêtes à s'adapter, en évitant par exemple la pizzeria ! Finalement, c'est surtout les places disponibles qui nous orientent et on se retrouve chez Cojean. Soulagement de la "no gluten girl" ! Non seulement il y a des choix variés mais j'avais observé qu'il y a désormais des plats clairement étiquetés sans gluten (épi de blé barré), tendance oblige ! Je prends donc une salade de lentilles à la grenade et un riz au lait au caramel ainsi qu'un smoothie. C'est bon et il n'y a pas de sentiment d'exclusion.

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En fin de journée, je suis invitée à une animation crêpes pour la Chandeleur : peu probable qu'il y ait des crêpes sans gluten. Vais-je refuser de manger ou passer outre l'interdit ? Je décide d'y aller, je verrai bien. Eh bien, j'avais mal compris, on est peu nombreux et je peux difficilement faire l'impasse (voir plus haut) ! A minima, avec juste une tranche de pain perdu et deux petites crêpes, mais difficile de faire autrement à partir du moment où j'avais décidé d'y aller. J'aurais dû m'abstenir...

J4 (samedi) :
Déjeuner extérieur, je décide de tenter NoGlu, nouveau lieu très couru. Mais il n'y a déjà plus de place, je fais quelques achats (dont du granola pour varier les petits déjeuners) et je me replie au Café Pinson, autre nouveau spot très mode. C'est plein d'une clientèle branchée dont une bonne partie n'a pas l'air obligée de manger sans gluten. D'ailleurs il y a du pain normal, ce qui m'étonne un peu (ce n'est en fait pas un lieu totalement sans gluten). Le lieu propose aussi beaucoup de plats "vegan". Je mange un bouillon au miso et légumes, une tartelette aux champignons et une sorte de cheesecake au tofu et aux noix de cajou. C'est plutôt bon mais je préfère quand même une vraie pâte à tarte par exemple. En fait, le meilleur est pour la fin : un café "noisette" au lait d'amande, très plaisant, une idée à retenir. L'accueil est sympathique, le lieu cosy mais pas de quoi s'emballer, sauf si on est obligé (e). Et je trouve assez paradoxal de voir ma voisine déjeuner les yeux rivés sur son téléphone : à quoi bon manger ce qu'on pense être sain pour se faire du bien si on ne fait pas aussi une vraie pause ?!

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Dîner à la maison : poisson et épinards.

J5 (dimanche)
Je suis seule et je me suis concoctée un appétissant brunch sans gluten : le "défi" m'a amusée et je ne me suis pas sentie privée d'une bonne tartine : il y avait un scone acheté chez No Glu, du saumon fumé, un oeuf, un yaourt avec du granola, une salade de fruits, un jus de pamplemousse. Et une part d'un gâteau que j'ai improvisé sur le moment : un gâteau au yaourt avec un mélange de farine de châtaigne et de maizena avec du bicarbonate à la place de la levure (car celle-ci contient du blé), à la texture très agréable. En fait, c'était trop copieux, je n'ai pas tout mangé !

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Dîner : une soupe de légumes

J6
Déjeuner : un bento avec salade de quinoa-potimarron-chèvre-noisette, une délicieuse recette  de Pascale Weeks. Je dois avouer que j'ai vérifié ensuite en magasin l'étiquette du quinoa et elle mentionne la possibilité de traces de gluten.

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Le soir, j'ai une réunion de l'association GROS. En général, il y a du pain, du fromage, des cakes salés ou sucrés. Je n'ai pas vraiment le temps de manger un en-cas avant, je verrai. Finalement j'ai un peu faim mais il n'y a pas de fromage, seulement un gâteau au chocolat, auquel je résiste, je mange deux petits chocolats. Il y a un peu de frustration car le gâteau paraissait très bon et surtout j'ai très faim en rentrant fort tard, bien trop tard pour cuisiner. Du coup je mange une banane et quelques "crackers" Pain des fleurs.

J7
Je dois faire un déjeuner très rapide avant de partir animer un atelier : ce sera sardines et riz + un fruit.
Au dîner, je mange de la soupe, faite avec le reste du potimarron.

J8
Je déjeuner tardivement avec un reste de soupe, du saumon et du quinoa.
Au dîner, Monsieur, compréhensif, a fait un repas sans gluten et délicieux : de la polenta à la ricotta et aux épinards, avec une salade.

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J9
J'ai le temps de déjeuner à l'extérieur et j'ai repéré le Biosphere Café, pas trop loin de mon bureau, qui se présente comme un restaurant sans gluten. Malheureusement, je trouve porte close, c'est fermé pour quelques jours et cela parait être en fait essentiellement une crêperie qui sert des galettes de sarrasin (pas vraiment nouveau !). A proximité, je vois surtout pâtes et sandwiches, je me replie en métro chez Noglu où je prends une formule plat-dessert (pas donnée !) : cabillaud au coulis de poivron avec des pois gourmands (un plat très classique comme on pourrait trouver ailleurs, très bon), une part de gâteau citron-framboise (à la farine de riz et aux amandes) trop sucré à mon goût. Il y a du pain à la farine de pois chiches à la texture mousseuse.

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Dîner à la maison : du poulet au pamplemousse.

J10
Déjeuner : un bento avec poulet et lentilles et de la mangue.
Diner japonais (Monsieur en cuisine) : galettes tofu-légumes, riz, épinards.

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Fin de l'expérience. Petit bilan :

- comme je l'avais imaginé, je n'ai pas ressenti de changement particulier sur le plan physique, digestif, ... étant donnée la situation de départ.

- ce n'est pas trop difficile à mener quand on cuisine beaucoup car on achète des aliments bien repérés. La durée était trop limitée pour ressentir une vraie frustration ou de la monotonie. Mais il me parait pénible et compliqué de se passer durablement de pain, que ce soit en accompagnement ou sous forme de sandwich quand on a peu de temps, et pas agréable de se passer de pâtes. Sans compter que manger sans gluten est probablement plus coûteux.

- pour manger à l'extérieur, cela se complique, surtout si on n'habite pas Paris. Bien sûr, on peut aller manger un plat de viande ou de poisson dans n'importe quel restaurant ou brasserie mais si on veut être très vigilant(e) sur la composition, que sait-on des sauces, ... ? Quant aux restaurants goûtés, ils ne m'ont pas suffisamment emballée a priori pour que j'y retourne et ils sont peu nombreux.

- cela n'est pas facile dans un contexte de vie en société. En parler risque de susciter des discussions. A-t-on envie de se justifier ? Certes, c'était sûrement plus compliqué avant. Aujourd'hui, le sujet est davantage connu et parfois on peut même avoir envie de défendre ce mode de vie. Mais on peut craindre des réactions d'incompréhension voire d'agressivité de la part de sceptiques. Quant au couple, que se passe-t-il à la longue si l'un continue à manger du gluten et l'autre pas ? Comme certaines personnes qui font des régimes, on s'habitue probablement à faire des repas différents avec une perte de convivialité.

En fait, le principal inconvénient qui m'est apparu, c'est de devoir renoncer à une alimentation intuitive où l'on mange selon ses envies, sans "se prendre la tête".

Alors, tout cela n'est pas drôle quand on y est obligé pour raison médicale. Mais pourquoi se l'imposer si on n'y est pas obligé(e) ? Pour un mieux-être ? Je reviens sur tout cela dans les prochains jours, patience !