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20/02/2013

Parlons du gluten : la parole à Flo "Makanai"

Sur ce sujet complexe et controversé du gluten dont je vous parle cette semaine, j'ai décidé de donner la parole à deux personnes concernées de très près.

D'abord Flo "Makanai". Florence tient depuis plusieurs années (elle a récemment fait une pause puis repris un peu différemment) un blog très riche, plein d'informations, de conseils et de recettes à l'intention des personnes ayant une intolérance alimentaire, car elle-même a dû affronter cette situation au sein de sa famille. Elle a acquis des connaissances pointues sur le sujet, qu'elle a aussi partagé dans un livre vraiment très bien fait sur le sujet.

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Je lui ai posé trois questions autour de la problématique du gluten.
 
1. Pourquoi y a-t-il selon toi un tel engouement pour le "sans gluten" aujourd'hui ?
 
Je pense qu'il y a plusieurs raisons, parce qu'il y a plusieurs profils de consommateurs de "sans gluten". Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne et il est donc important de ne surtout pas vouloir stéréotyper le mangeur "sans", le mangeur "autrement" de façon générale, ce serait un mépris dangereux.
 
Il y a d'abord des raisons subjectives :
- manger "sans gluten" est un moyen comme un autre pour beaucoup, de se (re)focaliser sur leur propre personne. La vie va si vite et est si complexe que nous allons plutôt mal (stress, déprime, fatigue et maladies physiques...). Nous avons l'impression de n'avoir que peu de contrôle sur tout cela. Nous avons envie de reprendre les rênes de nos vies, d'en redevenir acteurs... Quelle meilleure façon de se remettre au centre de ses propres préoccupations, de son monde, que de surveiller attentivement ce que l'on va manger, se faire à manger ? Je crois vraiment qu'en ce sens, le "sans gluten" est un régime parmi des dizaines d'autres, particulièrement attractif pour ceux qui ont besoin de vérifier que seul ce qu'ils veulent rentre dans leur corps.
- manger "sans gluten" permet de se singulariser. Et nous sommes nombreux à aspirer à cette singularité, à avoir besoin de nous sentir hors du lot, différent, dans un monde qui tend à tout uniformiser, à vouloir nous imposer un modèle unique de "vie comme il faut", une pensée unique. Dans la même veine, manger "sans gluten" peut donner l'impression d'appartenir à une minorité "qui sait" ce qui est bon, générer un sentiment de supériorité qui peut faire du bien si l'on a peu de confiance en soi.
- le "sans gluten" est très médiatisé : certaines personnes optent certainement pour cette alimentation juste parce que c'est tendance... Exactement comme elles achèteront des chaussures hideuses qui leur font mal aux pieds juste parce que X ou Y, star de la mode, les possède. Ces personnes-là laissent les autres penser à leur place, rien d'autre (on peut les espérer ultra minoritaires, mais elles existent, c'est évident).
 
Mais surtout, il y a des raisons objectives :
- il est indiscutable que le gluten (en particulier celui du blé, mais celui du seigle aussi) a envahi notre alimentation et met en péril notre équilibre alimentaire. Si l'on regarde par exemple les préconisations de l'Université de Harvard concernant une assiette saine, notre consommation quotidienne devrait être composée de fruits et légumes à 50%, protéines saines à 25 % et céréales ou assimilés complets à 25 %. Bon, cette assiette n'est pas idéale (où sont les graisses, par exemple, indispensables ?) mais elle est tout de même très sensée. Or, même chez moi, qui consomme énormément de fruits et de légumes mais (sans doute trop) peu de protéines, la part des céréales et assimilés a tendance à couvrir 50 % de mon alimentation. Alors chez tous ceux qui ne consomment quasi pas d'autre légume que la sauce tomate sur leur pizza ou la feuille de salade du sandwich, pas d'autre fruit que la compote de pommes de leur beignet ou les fruits séchés dans leur céréales du petit déjeuner... C'est plus simple de passer au "sans gluten", pour certains, à l'écoute des discours qui mettent ce dernier en cause dans plusieurs maladies, plutôt que de manger bien plus de légumes et de fruits.
- il me semble indiscutable aussi que le gluten que nous consommons aujourd'hui n'est pas celui de nos ancêtres, et qu'il pourrait bien ne pas convenir plus que cela à nos santés.
- ce qui m'amène à un dernier point : les gens qui cessent de consommer du gluten se sentent généralement bien mieux dans leur peau, sont moins malades, ont plus d'énergie, meilleur moral etc. Ce n'est quand même pas à négliger !Photo Flo Makanai 1 MO.jpg

2. Quels sont les avantages et les inconvénients de cet engouement pour les personnes atteintes de la maladie coeliaque ?
Je crois fermement qu'il existe un niveau intermédiaire entre le non intolérant au gluten et le malade céliaque : la personne (hyper)sensible au gluten. De très nombreux travaux sont entrepris dans le monde scientifique sur cette question de la sensibilité au gluten, des experts affirment que cette sensibilité existe. Mais en France, elle est niée. L'humain n'est pas malade ou pas malade, céliaque ou pas céliaque, il existent des foules d'états intermédiaires de mal-être plus ou moins prononcé... Doit-on les ignorer purement et simplement ? Pourquoi ?

Les avantages : un meilleur étiquetage alimentaire, une offre bien plus importante de produits "sans", une meilleure considération de leur maladie, des moyens mis en place pour aider leur participation à la vie en collectivité (admission dans des cantines avec menus "sans", par exemple)...

Les inconvénients : Le premier inconvénient auquel je pense n'est pas dû à l'engouement en tant que tel mais aux réactions de tous ceux qui se permettent de décréter que le "sans gluten" n'est qu'une mode sans fondement, juste parce que le gluten ne leur fait aucun effet. Ces réactions nourrissent le mépris envers les intolérants au gluten, et plus généralement envers ceux qui mangent "autrement". C'est très dommage. Le deuxième inconvénient est que ceux qui crient haut et fort être intolérants au gluten mais qui mangent toutefois et en public des aliments qui en contiennent quand cela leur chante, alimentent l'idée que tout cela n'est que balivernes...

3. Comment souhaiterais-tu que la situation évolue concernant le gluten ?
 Je voudrais que la France envoie un ou plusieurs experts indépendants dans les réunions internationales qui réfléchissent sur les maladies liées au gluten.
Que la France finance des labos de recherche pour que, en toute transparence, sans pression de tel ou tel lobby, la qualité du gluten que nous ingérons massivement chaque jour soit analysée.
Que le PNNS abandonne des idées comme 5 fruits et légumes mais adopte une image d'assiette équilibrée comme la Healthy Plate que j'ai citée plus haut, pour que chacun limite la quantité de céréales, donc de gluten mais pas que, que nous ingérons chaque jour...
Et que l'offre du "sans gluten" en supermarché devienne une offre de qualité, parce qu'aujourd'hui c'est une catastrophe : amidon, amidon et encore amidon, gomme de ceci, mauvaises huiles, mauvais sucres, et j'en passe... Le "sans gluten" est aujourd'hui principalement de la malbouffe ! Sauf bien sûr pour celui qui mange surtout des fruits, des légumes et des protéines, et limite son apport en céréales et assimilées à 1/4 de son assiette max, on en revient encore et encore là...
 
Merci beaucoup Florence pour ta franchise, ta clarté et ton envie de faire bouger les choses !

28/01/2012

Les Alimentations particulières, ça fait parler (ou un passionnant colloque OCHA)

Il y a quelques jours, j'ai assisté au colloque "Alimentations particulières", organisé par l'OCHA. Deux jours passionnants, sources de vastes réflexions autour de la nourriture, grâce à la participation active de nombreux et très divers intervenants : historien, archéologue, anthropologue, gastro-entérologue, allergologue, psychiatre, ...

Pour nous faire comprendre l'idée des "alimentations particulières", on a commencé par évoquer une sorte d'antithèse : le repas berbère en Kabylie algérienne : le repas s'organise autour d'un plat où chacun puise avec une cuillère, il y a une obligation de manger, ensemble, le même plat, où que l'on soit : il est impensable, très mal vu de manger seul (même les bergers dans la montagne se retrouvent pour manger), ou différemment des autres. Impossible d'exprimer une préférence personnelle, d'avoir une allergie à un quelconque aliment, avec les désagréments sérieux que cela peut parfois entraîner.
Or, aujourd'hui, on s'éloigne largement de ce mode alimentaire : de façon choisie ou subie, de plus en plus de personnes ont une alimentation différente de la "moyenne" des gens.

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Comment cette famille modèle vivrait-elle ce repas si chacun mangeait un plat différent ?

 

Cela peut être une alimentation subie, pour des raisons de santé, notamment d'intolérance ou d'allergie à certains aliments ou ingrédients. Ou cela peut être une alimentation choisie, du fait de croyances ou de convictions (ne plus manger d'animaux par exemple), ou par le choix de faire un régime, voire de développer une attention obsessionnelle au manger sain (l'orthorexie). Parfois, même quand cette alimentation est subie au départ, certains font de cette différence une force. En se créant notamment une autre communauté que celle des mangeurs familiers, plus affinitaire, voire en faisant du prosélytisme.

Le colloque a aussi été l'occasion de s'interroger sur les raisons du développement de ces alimentations particulières, qui semble plus important aujourd'hui. Ne serait-ce pas parce que la nourriture nous est devenue étrangère, parce qu'on ne sait plus comment elle est fabriquée, qu'on ignore d'où proviennent nos aliments ? On ressent le besoin de savoir ce qu'on mange. Et faire des choix, sélectionner des aliments, fixer des règles, donne le sentiment de retrouver une maîtrise de ce que l'on absorbe.

En même temps, cette individualisation de la façon de manger peut être fatigante. Parfois, on préférerait ne pas avoir de choix, ou pas trop (10 parfums de glace plutôt que 50 par exemple), ne pas devoir toujours décider. On a parfois envie qu'on nous dise quoi manger (et c'est parfois ce qu'on réclame à une diététicienne...).

Bref, on a parlé allergies vraies, fausses, ressenties dans le corps ou dans la tête, peurs alimentaires, régimes, orthorexie, modes alimentaires au fil des siècles : je reviendrai sur certains de ces thèmes dans quelques prochains billets.

Et vous, avez-vous le sentiment d'avoir une alimentation particulière ?

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