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17/09/2013

Combien ferait-on de km pour un restaurant ? (ou un merveilleux repas aux Bacchanales)

Parfois, on choisit un restaurant pour sa proximité, son côté pratique près du boulot ou de la maison. Parfois, on a repéré une adresse et on va à l'autre bout de la ville. Et parfois, on fait beaucoup plus de kilomètres pour un restaurant.
 
Je suis peut-être un peu foodista mais je ne fais pas partie de ceux qui font le tour des tables étoilées, je n'ai aucune intention de partir au Danemark pour un repas censé être inoubliable... Je ne pars pas à l'autre bout de la France pour cela (mais je suis quand même allée jusqu'à Sens pour le ravissement de Miyabi).

En revanche, je suis bien contente quand un prétexte, une bonne raison me rapprochent d'un lieu délicieux, je me réjouis et je suis prête à tordre un peu l'emploi du temps ou le parcours. Profiter d'un mariage pour faire une gourmande escale chez Saquana à Honfleur, d'un congrès pour réserver chez Olivier Roellinger à Cancale...

Ainsi, ayant planifié le court séjour en Ligurie (dont je vous parlais hier) et réalisé qu'il était plus simple d'y arriver via Nice, je me suis réjouie de la possibilité offerte de retourner, avec un détour pas compliqué, dans un restaurant dont j'avais un merveilleux souvenir, les Bacchanales de Christophe Dufau à Vence. Je réserve donc une table pour fin août.

On y avait déjeuné il y a trois ans. Le lieu a un peu changé avec une belle terrasse qui jouxte le jardin aromatique, le chef non. Enfin, je crois. Toujours aussi enthousiaste et passionné. Avec l'envie de partager sa quête des meilleurs produits de la région (il fait une cuisine locavore en se fournissant à moins de 250 km à la ronde) et de les préparer de façon inventive et gourmande. La cuisine nous régale, le cadre est enchanteur mais on apprécie tout cela encore davantage grâce à Christophe Dufau qui vient délivrer avec vivacité et bonne humeur son menu, expliquer les provenances des produits, puis vérifier que tout va bien, ajouter des surprises (chut, on a été un peu privilégiés).

Quand on est loin de chez soi dans un si bon restaurant, on prend le menu dégustation pour avoir le maximum de saveurs à découvrir.  Et on est servis ! Cela commence par de délicieux gressins accompagnés d'un pesto de persil (Bruno Verjus avait dégoté la recette si cela vous dit).

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On continue avec une merveilleuse petite meringue au jus de pomme et céleri avec du shiso qui ravit délicatement les papilles.

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Ca, c'est l'accueil. Ensuite vient l'amuse-bouche à proprement parler : un trio de glaces toutes délicieuses : olive verte, tomate, anchois : beaucoup de goût mais rien d'agressif.

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On sait que le repas va être copieux, pourtant, impossible de résister, en petites touches, au beurre à la sarriette !

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Ensuite, les entrées, les plats vont se succéder, délicieux et surprenants, beaux produits traités avec respect et embellis par les accords, les assaisonnements. Par exemple, le "Loup et langoustine de Méditerranée, aubergine confite", un délice marin.

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Il y a aussi des ingrédients inhabituels : une polenta de graines d'amarante avec le "Bœuf du Piémont, oignon de Vérone, feuilles et baies de cassis".  Chaque ingrédient est goûteux, l'ensemble étonne et ravit.

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Le fromage, c'est un chèvre frais des Courmettes enfumé en deux temps, qui arrive sous cloche (amusant, j'ai trouvé la recette en images, en anglais, très compréhensible).

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Les desserts sont de savoureux mélanges de goûts et de textures, "framboise et sésame noir", c'est un accord très réussi qui pourrait me donner des idées (modestement), "Mûre sauvage, chocolat noir, olive verte" aussi.

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Et il y  a encore quelques petites gourmandises, de délicates sucettes en dentelle, d'onctueuses truffes au caramel, comme si la fête ne devait pas s'arrêter. Et on resterait bien là, dans la douceur nocturne de fin août, à écouter le chef et à rêver d'inventer un autre voyage pour revenir bientôt... Merci chef !

(vraiment désolée pour la qualité médiocre des photos, pardon de ne pas mieux rendre hommage à l'harmonie des assiettes)

Pour compléter, si vous voulez quelques images animées, c'est

Et , Stéphanie parle très bien de ces Bacchanales.

 

Et vous, êtes-vous prêt(e) à des détours, des longues distances, pour un restaurant qui vous attire ? Ou choisissez-vous par hasard ou proximité ?

 

17/03/2012

Festival Omnivore : personnalités savoureuses à foison

J'ai eu la chance de gagner grâce à L'Express Styles un pass pour le festival Omnivore qui se déroulait il y a quelques jours, un événement pour la gastronomie créative. Chaque jour, il y a eu un programme appétissant et il a fallu parfois faire des choix. Dimanche et lundi, j'ai assisté ainsi à des conférences, confidences, master class sucrées-salées avec des intervenants de métiers, nationalités, styles variés. En même temps j'ai trouvé des points communs à tous ceux que j'ai écoutés. 

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Je pourrais résumer cela de façon très subjective en quelques mots-clés, le hasard de la programmation ne me faisant pas percevoir les mêmes sur les deux jours :

- dimanche : mémoire, territoire, personnalité, travail ;

- lundi : curiosité, créativité, réalisme.  

En effet, dimanche, qu'il s'agisse de Patrick Roger le chocolatier, des chefs Alexandre Gauthier le nordiste ou Eneko Atxa le basque espagnol, de Dominique Crenn, chef française installée à San Francisco, ils semblent avoir quelques fondamentaux en commun.  

La mémoire : mémoire du goût, mémoire des lieux. Patrick Roger a longuement parlé de la constitution de son goût, de la construction de son intuition créative à partir du potager de ses parents et de la cuisine familiale. Eneko Atxa a notamment raconté l'histoire d'un joli dessert qu'il a imaginé à base de châtaignes et qu'il sert dans un sachet en papier que le client ouvre lui-même : c'est le souvenir d'un petit sac de châtaignes chaudes que sa mère lui offrait chaque jour au retour de l'école et dont il sentait la chaleur et humait le parfum avec délice au long des quatre étages à monter pour arriver chez lui avant de s'en régaler qui lui a donne l'idée de ce dessert. 

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Eneko Atxa, le chef basque, prépare son dessert à base de châtaignes, souvenir d'enfance, servi dans un sachet en papier

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Eneko Atxa propose un plat "promenade dans notre potager" comme si on déterrait une pomme de terre, sous une "terre" comestible à base de légumes et amandes

Le territoire passé ou actuel qui les marque durablement : le Perche pour Patrick Roger, terre de son enfance, où il retourne régulièrement, où ses parents ont toujours un potager et dont il cherche à retrouver les goûts inscrits dans ses sensations ; la maison vieille de 350 ans où est installé le restaurant La Grenouillère d'Alexandre Gauthier et qu'il fait plonger dans le 21e siècle par une refonte du lieu ; le territoire basque qui influence profondément Eneko Atxa, installé en pleine nature et qui dit "Pourquoi cuisiner ? Parce que je suis basque". 

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Le chef Alexandre Gauthier a montré les lieux nordistes qui environnent son restaurant, le chef Eneko Atxa a fait découvrir la réalisation de son nouveau site

La personnalité : tous sont visiblement de fortes personnalités et ils impriment leur marque à leur cuisine/chocolats. La question de la communication, de la publicité, des avis sur internet est alors secondaire comme l'a dit Dominique Crenn dans une table ronde animée par Bruno Verjus : on ne peut pas plaire à tout le monde et ceux qui aiment sa cuisine viennent pour elle. Reste à se faire connaître quand même et d'ailleurs elle a participé à l'équivalent US de Top Chef. Patrick Roger voit en partie une origine génétique à son approche intuitive du goût puis le modelage par le potager, la cuisine de ses parents. Patrick Roger se revendique clairement atypique et semble s'amuser à affirmer qu'il est "extrêmement fermé" question goût quand tant d'autres prônent l'ouverture et la curiosité. Ainsi, l'influence décisive du potager lui rend étranger le poisson et il n'éprouve pas de curiosité pour la cuisine japonaise. Et il insiste sur l'importance de "rester qui on est" sans se situer en concurrence avec les autres. De la même façon, Alexandre Gauthier dit qu'il assume ce qu'il est et l'exprime dans une "cuisine d'humeurs". Dominique Crenn revendique "une cuisine très personnelle et émotionnelle".  

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Patrick Roger, Jacques Génin, Gilles Marchal : trois personnalités, trois styles de chocolats

Le travail : à les écouter ou les regarder faire, on ne peut que constater que leur réussite est le résultat d'un travail énorme. Patrick Roger le dit ainsi à sa manière directe : "plus on travaille, plus on devient fort. Tous ceux qui sont à un niveau élevé, ça bosse !".  

Cela était vrai aussi chez les participants que j'ai écoutés le lendemain lundi et d'autres thèmes sont apparus, avec Gilles Marchal, de la Maison du Chocolat, Yannick Alleno, Michel Guérard. Curiosité, créativité, réalisme.  

La curiosité et l'ouverture : Yannick Alleno a avoué se lasser assez vite et c'est ce qui le pousse à se renouveler et lancer de nouveaux projets. Il est passe son temps à goûter pour découvrir de nouveaux goûts, avoir de nouvelles idées. Gilles Marchal a le sentiment qu'il apprend tout le temps au gré des rencontres, des voyages, des découvertes. Yannick Alleno juge essentiel l'échange avec ceux qui l'entourent, de rester ouvert aux autres.  

La créativité : cette curiosité est au service de la quête de nouvelles idées, Yannick Alleno souhaite "toujours avancer", Gilles Marchal se dit "créateur de goût" et a insisté sur le fait que la créativité était un élément clé de l'activité et donc en aucun cas délégable a l'extérieur : toutes les idées émanent des équipes internes.  

Le réalisme : ces hommes ont beau être des créateurs, ils gardent néanmoins les pieds sur terre. Le réalisme, je l'ai ainsi ressenti chez Yannick Alleno esquissant sa bonne gestion des ressources, enseignant par exemple à ses équipes les réflexes d'une rentabilité inscrite dans le quotidien, de l'utilisation de feuilles de salade en trop dans un sandwiches à la récupération de l'eau ayant lavé cette même salade pour arroser les plantes ! Oui, même dans un palace ! S'éloignant un moment du plaisir des papilles, Gilles Marchal a parlé avec gravité des difficultés que rencontrent les planteurs de cacao dans des pays à la situation politique complexe (Venezuela, Mexique, Cote d'Ivoire) et de son pessimisme pour l'avenir. Le réalisme était aussi présent dans une table ronde intitulée "que va-t-on manger dans un monde en crise ?". On a notamment évoqué le fait que la crise suscitait deux types de besoins : celui de se faire plaisir, avec une cuisine ludique. festive, pétillante ; celui de se rassurer, qui donne lieu à une attente de naturalité. Mais Michel Guerard, qui participait, a remis en question de facon un peu provocante mais sincère la réalité même de la crise en comparant la situation actuelle avec ce qu'il avait vécu pendant la deuxième guerre mondiale... 

Au global, ce furent donc des nourritures essentiellement visuelles et intellectuelles mais on a quand même dégusté quelques chocolats (Patrick Roger et la Maison du Chocolat)

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Bilan : des personnalités riches, un événement qui donne une belle vision de la gastronomie sous un certain angle valorisant la créativité. Mais ce n'est pas toute la gastronomie !

Nota Bene : les différents "happenings" étaient animés avec talent par Clotilde Dusoulier(le chocolat), Bruno Verjus (les conférences), Sébastien Demorand (les masterclass salées).

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NB : ceci est la reprise (côté texte) de mon article paru dans la rubrique "Express yourself" de l'Express.