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22/03/2013

Salon Omnivore : pas seulement moderne...

Lundi après-midi, je suis allée passer quelques petites heures au salon Omnivore de la jeune cuisine. Quand on parle de cela, et c'était en partie mon impression l'année dernière, on imagine peut-être des démonstrations un peu déjantées de cuisine improbable. Il y a de ça parfois mais ce n'est pas du tout ce qui est ressorti cette fois de ma courte visite. J'ai en revanche ressenti comme un fil cohérent qui se tissait entre les trois personnes que j'ai écoutées, autour de la passion, de l'artisanat, du respect de la nature et de son rythme, d'un ancrage fort dans un lieu... Un paysan-meunier-boulanger, un chef, un collecteur-affineur-marchand (de fromage) : des personnes qui essaient de faire leur métier de la plus belle manière en tirant le meilleur de la nature pour en faire profiter leurs clients.

D'abord Roland Feuillas, paysan-meunier-boulanger. J'avais déjà eu le bonheur de goûter son pain, on a eu des échanges par mail ou téléphone, je l'avais interviewé mais c'était la premier fois que je le rencontrais dans la "vie réelle". O combien heureuse du voyage ! Quelle belle façon de raconter ses différents métiers. Il est paysan et travaille avec différentes variétés anciennes de blé qui n'ont pas grand chose à voir avec nos variétés actuelles (et permettent beaucoup plus de tolérance au gluten, dit-il), sans aucun apport extérieur et dans un environnement absolument non pollué (donc un peu isolé). Il est meunier et travaille à la meule de pierre mais d'une façon particulière visiblement douce pour le grain. Il est boulanger et fait un pain qui utilise ses ferments internes. La façon dont il se met au service et accompagne la nature, en intervenant le moins possible, sans ajout extérieur, est impressionnante. Une conception pure et exigente, quasi-mystique, du pain à l'opposé total d'une vision industrielle et productiviste visant à simplifier et accélérer la fabrication au maximum. Il veut redonner au pain son rôle d'aliment clé, nourrissant, "base de notre pyramide alimentaire". Mais un pain de la qualité du sien, très riche en nutriments. Nous avons goûté son pain "de base" et un autre issu d'une variété très particulière de blé, le "Barbu du Roussillon".

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Ensuite, Romain Olivier, 4e génération de fromager ou plutôt comme il préfère se qualifier? car lui aussi a trois métiers distincts, de collecteur, affineur et marchand. Il est apparu intarissable sur les fromages, leur histoire, leur géographie, leurs spécificités territoriales, leurs diverses caractéristiques liées au climat ou à la technologie fromagère, et pas seulement ceux du Nord où il est installé par péripéties familiales. Et quelle belle conception de son rôle de collecteur que de prendre soin de son réseau de producteurs de lait en leur rappelant des augmentations nécessaires ou en les aidant à améliorer le goût de leur produits, ... car, dit-il avec une lucidité qui ne semble pas universelle : si on n'a plus de producteur, on n'aura plus de fromage ! Il a ensuite voulu nous faire découvrir sensoriellement son métier d'affineur, dont le rôle est de porter les fromages à maturité de saveur "en laissant du temps au temps", en nous faisant déguster comparativement deux Maroilles au même stade d'affinage : l'un tel quel et l'autre qu'il a relavé (en direct) à la bière (famille des fromages à croûte lavée !). Résultat : des arômes fort différents. NB : il travaille uniquement avec du lait cru, évidemment !

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Enfin, Gerald Passedat, chef de cuisine. Je n'ai jamais eu la chance de goûter à sa cuisine, il faut dire que je ne suis pas vraiment une habituée des restaurants 3 étoiles... Certes, cela est un luxe mais il assure qu'il s'agit pour lui de juste prix et je suis assez tentée de le croire : juste prix qu'il veut payer aux pêcheurs qu'il aide ainsi dans la préservation de moyens de pêche traditionnels, juste prix du travail minutieux en cuisine. Il a expliqué qu'être cuisinier, cela venait du coeur et du ventre et que tant qu'il n'avait pas compris cela, dans ses premières années de chef, sa cuisine n'était pas vraiment intéressante. Et un jour, il a réalisé justement que sa cuisine de coeur, c'était de rendre hommage à cette mer qu'il connaissait si bien, de valoriser les ressources de la Méditerranée et rassembler ainsi ses passions de la pêche, de la natation, de la plongée, de l'iode. Il démontre dans sa cuisine qu'on peut se détacher du loup, du turbot ou de la daurade royale si souvent servis car il y a 65 espèces différentes à pêcher. Il travaille avec une vingtaine de petits pêcheurs avec un cahier des charges précis : pas de glace, des modes de pêche traditionnels (palanque, lamparo, petit filet), des poissons qui arrivent ainsi vivants en cuisine, certains qu'il fait maturer comme de la viande et il affirme avoir une qualité de poisson exceptionnelle. Il se sent proche aussi d'une cuisine de la mer de type "régime cretois", c'est celle qu'il aime manger et cuisiner, avec des sucs, des réductions, des jus mais ni beurre ni crème.

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Passionnant et réconfortant de voir ces belles personnes qui préservent et adaptent des pratiques transmises de longue date. Et en même temps, comment ne pas ressentir tristesse et pessimisme en constatant combien ils sont peu nombreux et minuscules face aux puissantes compagnies industrielles et financières qui, quand il s'agit d'alimentation, pensent elles au profit avant tout...