21/10/2014
Bouillonnement créatif et gourmand aux Journées Court-Bouillon de Grasse
Vendredi, je suis allée passer la journée à Grasse près de Nice dans le cadre des journées Court-Bouillon. J'avais entendu parler de cette initiative par hasard via twitter et Marion Chapsal (une des têtes créatives travaillant à composer ce type de journée) et été attirée par le thème (l'alimentation source de lien et d'inspiration) et la belle brochette d'intervenants.
Je n'ai vraiment pas regretté d'avoir fait le déplacement car cela fut une belle journée pleine d'énergie, de rencontres et d'échanges. La première journée était consacrée à des interventions inspirantes (avec, après chacune, un temps de "digestion" et de partage) et était un prélude à une deuxième journée de co-création (à laquelle je n'ai pas participé) pour imaginer des projets ancrés localement et inspirés par l'alimentation. Car ce n'est pas un hasard si cela se passait à Grasse, la région veut redonner une bonne place à la sensorialité, qu'il s'agisse du goût ou de l'odorat (la ville est réputée pour sa tradition de parfums).
La quasi-totalité des intervenants ont montré de façon tonique comment l'alimentation pouvait (re)devenir source de lien et que chacun pouvait agir à son niveau, modestement au départ, pas à pas.
L'intervention la plus significative de cette idée fut selon moi celle de Pamela Warhust, co-fondatrice des Incredible Edibles (Incroyables Comestibles). De retour un jour d'un colloque déprimant, elle décide d'agir, avec quelques autres, dans sa petite ville grise du Nord de l'Angleterre, Todmorden. Comment ? En faisant pousser des plantes comestibles sur un bout de terrain abandonné, propriété de la ville. Sans demander d'autorisation. Et c'est ce qui est intéressant : ne pas attendre que l'impulsion vienne des autres, ne pas se retrancher derrière l'attente d'un projet officiel pour agir à son petit niveau. Aucun vandalisme. Et cela a fait son chemin, plein d'autres plantations dans la même ville, dans d'autres villes anglaises, dans d'autres pays, en France. J'en avais déjà entendu parler (photo ci-dessous prise à la Rotonde, place Stalingrad) mais j'ai adoré la fantastique énergie qui se dégageait de Pamela.
Tom Boothe, instigateur de la coopérative Park Slope à Brookyn aux Etats-Unis, lieu précurseur de la coopérative La Louve (qui ouvrira en 2015 à Paris) a montré comment on pouvait transformer radicalement l'expérience du supermarché, en faire un lieu d'échange et de détente, tout en permettant aux coopérateurs de bénéficier de produits de grande qualité à prix très raisonnables (en échange d'une contribution de quelques heures de travail par mois).
Benjamin Stock, de la Ruche qui dit oui, a présenté le projet "Tous à poêle au bureau" visant a promouvoir la cuisine en entreprise en se basant sur l'exemple vécu de sa propre entreprise. Et qu'on ne vient pas lui dire qu'on est trop nombreux ou pas assez, que ça prend trop de temps ou coûte cher, qu'on n'a pas assez de place, il balaie toutes les objections éventuelles avec des arguments concrets : cela renforce les liens, crée des moments de partage, est plus économique que la distribution de tickets restaurant, ....
Franck Pruvost, manageur de la diversité et concepteur de projets sensibles, s'est demandé si, dans le monde actuel, manger n'était pas le dernier bastion de la sensibilité et a esquissé des moyens de se rencontrer, de créer des communautés autour de faits alimentaires.
On a aussi eu d'autres exemples de la façon dont le repas pouvait être source de lien : les deux créatrices américaines de Grace Hearth ont parlé avec enthousiasme de leur jeune activité de cuisine au service de collectivités diverses en Californie, souvent en lien avec des événements artistiques. Le Hollandais Hans Steenbergen a donné des exemples fort tentants des grandes fêtes gastronomiques qu'il organise et qui stimulent les gens à cuisiner.
De façon plus générale, le chef-activiste Arnaud Daguin (par ailleurs partie prenante dans le projet de la Jeune Rue à Paris) a plaidé pour un manger bon, beau et juste et insisté sur la nécessité que nous reprenions la main sur notre alimentation car :
- d'une part "nous sommes ce que nous mangeons",
- d'autre part "ce que nous mangeons dessine notre monde".
Bien sûr, on est aussi passé à la phase concrète à travers les deux repas de la journée. Le déjeuner destiné aux participants du colloque était proposé par le chef étoilé du cru, Jacques Chibois. Il s'était inspiré du titre de l'événement et a proposé deux bouillons et un dessert. Le tout était savoureux et j'ai par ailleurs déjeuné avec grand plaisir avec trois sympathiques et intéressantes personnes, une psychologue corporelle, un entrepreneur en huiles essentielles et un professeur de développement durable. Idée plaisante, le repas était offert et on contribuait selon sa satisfaction.
Le soir était organisée une Grande Tablée ouverte à tous les habitants de Grasse. Ils sont venus nombreux et l'abondance de plats disponible en début de soirée a assez vite fait place à des saladiers vides... Cela m'a paru un moment de partage très réussi, toutes générations confondues.
Bref, différents exemples concrets et stimulants du rôle que peut jouer l'alimentation pour rapprocher et inspirer les êtres humains. Michel Godet, "prospectiviste", ne m'a pas paru très raccord avec le reste de la journée hormis les exemples de réussites alimentaires qu'il a citées (l'essor du piment d'Espelette par exemple). Il est intervenu en premier mais j'en ai retenu ce qui pourrait faire office de conclusion : "Il faut partir de soi et se demander "que puis-je faire là où je me trouve ?""
NB : les dessins sur écran ont tous été réalisés en direct par Eric Grelet qui commentait ainsi avec à-propos les interventions.
08:30 Publié dans Activités, medias, lectures..., Pistes pour bien manger | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journées court-bouillon, ville de grasse, jacques chibois, marion chapsal, l'alimentation source d'inspiration et de lien | | Facebook | | Imprimer