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22/04/2015

J'ai testé pour vous...le bracelet connecté !

Peut-être avez-vous entendu parler de tous ces objets connectés censés être bons pour notre santé, ce fameux "quantified self" (la mesure de soi). J'avais commencé à en  entendre parler, et de leur lien avec la santé, il y a un ou deux ans, notamment à une conférence de L'Atelier. La lecture d'un très bon dossier sur le sujet hier dans Libération me donne l'occasion de faire un point. Et je vais vous parler de ma propre expérience.

Car j'ai acheté il y a quelques mois  un bracelet connecté de la marque Fitbit, mon choix étant principalement guidé par le prix et la disponibilité via Android.

Un bracelet connecté à mon poignet, cela peut étonner... Cela va plutôt à l'inverse de ma pratique qui, pour une bonne part, vise à accompagner les personnes vers une meilleure écoute de leur corps, leur faim, leur ressenti émotionnel, leurs sensations gustatives... Plutôt que d'avoir les yeux rivés sur des repères extérieurs qu'il s'agisse du contenu de l'assiette, du comptage de calories, du chiffre sur la balance. Mais je suis plutôt de nature curieuse, non bornée (enfin, je crois...), je me tiens informée de ce qui se passe et j'aime souvent expérimenter moi-même pour parler d'un sujet... Et il est clair que les objets connectés prennent rapidement une place non négligeable dans notre environnement. On veut nous convaincre qu'ils sont là surtout pour notre bien...

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L'installation du bracelet est facile, on dispose d'un petit tableau de bord sur son téléphone où l'on peut mesurer plusieurs paramètres simples, qui sont déduits de façon automatique si on porte le bracelet.

- le nombre de pas (c'est la version moderne du podomètre...),

- le nombre de kilomètres parcouru (le nombre de pas x la longueur de votre foulée, à paramétrer),

- la dépense calorique (théorique puisque l'outil ne sait rien de mon métabolisme réel, de la façon dont mon corps dépense l'énergie),

- le déroulement de la nuit et la qualité du sommeil (profond, agité ou éveil).

Cela m'a amusée au début de comptabiliser mes pas. Je n'avais aucune idée de ce que représentaient mes habitudes. Je marche avec plaisir, pour aller d'un point à un autre, pour me promener, pour aller travailler, je n'ai aucun problème à zapper le bus ou le métro quand il est plus pratique de marcher ... Je n'avais donc pas grand besoin d'être stimulée : le hasard a fait que le premier jour avec le bracelet, j'ai marché 17 000 pas alors que les programmes de santé cherchent à vous inciter à faire 10 000 pas (environ 1 heure de marche)... Je vous rassure, je ne marche pas autant tous le jours ! J'ai constaté que je marchais en général entre 6 000 et 13 000 pas selon mes activités.

Bon, une fois que je sais ça (et est-ce si important ?), pourquoi continuer à porter le bracelet ? Dans mon cas, je ne crois pas que cela m'ait fait marcher davantage. Toutefois, si on est attaché à un objectif ou une progression, parce qu'on marche très peu, cela peut contribuer à faire marcher davantage, en se fixant des étapes de progression. Comme un bon vieux podomètre... Et cela peut aider à positiver la marche quand on n'a pas très envie ou que l'on doit faire un détour, qu'on décide de marcher plutôt que prendre le bus.

Mais un usage temporaire peut tout à fait suffire, le temps de prendre conscience de ses habitudes, de s'essayer à marcher un peu plus si on est très sédentaire et d'installer une nouvelle pratique. Car, s'il y a plein d'autres façons de bouger pour le plaisir, marcher en est une facile, quel que soit son état de forme, et peu coûteuse. La dépense de l'outil est alors peut-être excessive et on trouve des applications pour téléphone semble-t-il.

J'ai pendant quelques jours gardé aussi le bracelet la nuit pour évaluer mon sommeil : j'ai "découvert" que j'avais parfois des phases de sommeil agité ou de réveil nocturne... je crois que je m'en étais rendue compte toute seule ! Et je ne trouve pas agréable de garder un tel bracelet pendant la nuit.

Mon  bracelet relativement basique ne donnait pas d'autre auto-mesure, il donne une consommation calorique théorique. On peut aussi entrer des données d'activité physique et éventuellement son alimentation, ce qui me parait extrêmement fastidieux.

Bref, un appareil qui me parait plus correspondre à un éventuel besoin ponctuel plutôt qu'à un usage permanent.

Or, c'est plutôt vers cela que certains s'orientent. Car ils ont l'obsession du comptage, du suivi, de l'atteinte de l'objectif. Je me doute qu'ils ne seront pas d'accord avec moi ! Mais, au-delà de l'aspect gadget et auto-motivation, les risques liés à ces objets sont multiples :

. côté personnel :
- devenir accro à cette mesure, avoir besoin en permanence de ce repère externe, ne plus pouvoir s'en passer,

- être donc (pour une raison supplémentaire à toutes les autres qu'on se crée) toujours les yeux rivés à son téléphone plutôt que de profiter du monde autour de soi,

- se déconnecter toujours plus de son ressenti interne, de sa réelle envie de bouger, d'activités non "rentables" en consommation énergétique,

. côté société :

- veut-on livrer une masse d'informations sur son hygiène de vie à des acteurs économiques, potentiellement intéressés à monnayer des données ou à les utiliser comme moyen de pression, de sélection, ... Ce qui existe déjà un peu aux Etats-Unis. Peut-on envisager de caler votre niveau de Mutuelle sur l'attention que vous prêtez à l'exercice physique, à la qualité de votre sommeil... ? Comme le dit Libé, va-t-on pouvoir utiliser ces données pour traquer le moindre écart ? Et nous donner des "malus" ?

Cela ne risque-t-il pas de rajouter à la pression, déjà très forte, que subissent les individus de la part de la société (être mince, en forme, ne pas vieillir) et de l'entreprise (présence, performance...) ? Est-ce de ce monde "big-brotherien" dont nous avons envie ?

Moi, j'ai préfèré, tout bien réfléchi, lâcher mon bracelet ! De la même façon, j'ai refusé une offre insistante de me faire tester (pour la recommander à mes patients) une fourchette connectée : je préfère travailler sur le goût, l'attention, la conscience pour faire ralentir le rythme du repas !

En complément de ce billet, ce texte de l'excellent psychomotricien Pierre Dalarun est une très pertinente réflexion sur le sujet. A lire absolument !

Et vous, avez-vous une expérience, des envies, des craintes vis-à-vis de ces objets connectés ?