Ni Cru Ni Cuit, en livre ou conférence, passionnant ! (23/09/2014)

Ni cru ni cuit, cela peut paraître un peu bizarre non ? Eh bien pourtant, cela existe, ce sont les aliments fermentés.

Un jour, je découvre chez mon libraire, un livre avec cet étrange titre, Ni cru ni cuit, au rayon culinaire. Il est imposant, je le feuillette et il m'apparait tout de suite passionnant car jetant un regard transversal et international sur ces aliments. Je m'en empare et je découvre que c'est l’œuvre de la journaliste-auteur culinaire Marie-Claire Frédéric. Elle a décidé de s'intéresser à cette catégorie alimentaire largement laissée de côté en termes d'études alors qu'elle est omniprésente dans notre alimentation, et même de se passionner pour elle.

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Je ne sais plus trop quand et comment cela a commencé mais je suis en contact avec Marie-Claire Frédéric via Facebook (eh oui, cela est quelquefois utile !) depuis un certain temps, on se lit, on échange et j'ai l'impression qu'on partage beaucoup d'idées sur l'alimentation et la cuisine saines et gourmandes. Elle a un joli blog, Du miel et du sel, où elle prend le temps d'expliquer avec précision recettes, usages et traditions culinaires.

A l'occasion de la sortie de son livre et pour le prolonger, elle a lancé un autre blog, Ni cru ni cuit, où elle explore le monde ses aliments fermentés, expérimente de nombreuses recettes, donne moult conseils.

Tout cela me donnait très envie de la rencontrer mais elle vit dans un petit village loin de Paris. Par chance, elle donnait il y a quelques jours une conférence au Musée du Quai Branly (eh oui, la nourriture, c'est de la culture !) autour de son livre. J'ai ainsi le plaisir de la rencontrer brièvement et de l'écouter. C'était passionnant !

Marie-Claire Frédéric a d'abord souligné que ces aliments fermentés, même si on ne les identifie pas en tant que tels, font vraiment partie des basiques de notre quotidien : pain, fromage, yaourt, jambon, cornichons, olives, anchois, chocolat, vin, bière, café et tant d'autres.

Elle a mis en relief les différentes dimensions de ces aliments puisqu'elle a fait un travail pas seulement culinaire mais historique, géographique, anthropologique, sociologique...

1. Des aliments fermentés

C'est cette caractéristique qui les rassemble : la fermentation, c'est la transformation par des micro-organismes (bactéries, levures, moisissures) pendant l'élaboration. Cela peut vous paraître moyennement appétissant à première vue mais ce sont ces organismes qui ont un effet quasi-magique et nous permettent de nous régaler...

2. Des aliments identitaires

Ils représentent le goût du pays natal et sont ceux dont on a la nostalgie quand on quitte son paye ou qui nous manqueraient le plus. Ainsi, selon une enquête, ce sont le pain et le fromage qui manqueraient le plus aux Français s'ils quittaient la France.

3. Des aliments universels

Toutes les traditions culinaires dans le monde ont leurs aliments fermentés. L'INRA en répertorie plus de 3000. Ils varient selon le climat et les matières premières disponibles mais sont partout. Du kimchi coréen au miso japonais, de la choucroute au nuoc-man... Mais ils ont un point commun à tous : partout, affirme Marie-Claire Frédéric, ils sont l'aristocratie des aliments. Ils font l'objet de croyances, de superstitions, de précautions lors de la fabrication, longtemps jugée mystérieuse, avant que Pasteur n'explique le phénomène.

4. Des aliments anciens

Il n'y a pas de certitude sur l'apparition des aliments fermentés mais on trouve leur trace dans nombre de civilisations anciennes, à travers des jarres, ... Il y avait déjà de la sauce poisson fermentée chez les Sumériens 3000 ans avant Jésus-Christ. Et, bien avant, il y a des centaines de milliers d'années, il est même possible que le fermenté soit arrivé avant la cuisson et ait permis une évolution de la dentition humaine (la taille des molaires), qui avait moins d'efforts à faire... Les boissons fermentées ont précédé les premiers foyers d'agriculture. On a retrouvé par exemple une boisson fermentée dans une tombe chinoise datant de 7000 ans avant Jésus-Christ, et elle était plutôt sophistiquée, faite à base de riz, raisin, miel et aubépine.

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Le plus vieux pain du monde répertorié, qui aurait 5700 ans

5. Des aliments civilisateurs

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce serait pour réaliser des boissons fermentées que l'homme se serait mis à domestiquer les céréales. Chaque civilisation a la sienne : blé, orge, riz, maïs, sorgho mil, et en a tiré une boisson. On ne sait pas ce qui est arrivé en premier, la bière ou le pain mais la bière alors était très nourrissante, une sorte de "pain liquide". Ainsi, les ouvriers des Pyramides étaient rémunérés en bière.  

6. Des aliments sacrés

Partout, ces aliments fermentés participent aux rituels religieux, que ce soit le pain et le vin dans la chrétienté, le thé en Mongolie, le beurre au Tibet, ...

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7. Des aliments sociaux

Ces aliments sont au cœur des pratiques communautaires, participent à la convivialité et aux échanges. Cela peut être la fabrication qui se fait en groupe : on a vu une photo d'une foule en train de préparer le kimchi en Corée. Idem pour la choucroute en Alsace. Ou bien sûr la consommation : on festoie en Suède pour consommer le très odorant Surströmming (hareng fermenté longuement), ... Ce sont des aliments précieux qu'on se doit de partager quand on reçoit, car on offre ce qu'on a de meilleur.

8. Des aliments bons pour la santé

On vivrait plus longtemps et en meilleure santé en consommant des aliments fermentés. Marie-Claire cite Jeanne Calment et son verre de porto quotidien en souriant. Mais elle garantit surtout que ce sont des aliments parfaitement sûrs, aux qualités nutritionnelles supérieures à celles des aliments frais. Et ils sont bons pour notre microbiote intestinal.

Tout cela était passionnant et est largement plus développé dans le livre que dans la conférence, avec également des recettes.

Là où le livre ne relève pas que de la recherche mais s'apparente un peu à une croisade, c'est que Marie-Claire Frédéric est inquiète pour ces aliments dans un monde où l'hygiénisme tend à triompher. Elle explique que paradoxalement, c'est au moment où l'on a décrypté et compris leur rôle, jusque-là mystérieux, grâce à Pasteur, que l'on s'est mis à en avoir peur et donc à lutter contre en aseptisant tout. A cela s'ajoute la volonté des industriels de standardiser la production par souci d'économie, ce qui va à l'encontre de la fermentation dont le résultat est chaque fois différent.

Je ne peux qu'être d'accord avec elle. Si une certaine dose d'hygiène est bien sûr nécessaire, trop d'hygiénisme est dangereux car, en aseptisant tout, on met en danger ces micro-organismes (présents également par milliards dans notre système digestif) et leur fabuleux travail, les aliments fermentés et par là même, la santé et la culture humaines. Marie-Claire Frédéric a toutefois conclu sur une note d'optimisme relatif car elle observe, avec le développement d'un mouvement écolo-locavore, un renouveau de la fermentation.

Et vous, quels sont vos aliments fermentés favoris ? Pratiquez-vous la fermentation de certains produits ?

 

08:25 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ni cru ni cuit, musée quai branly, marie-claire frédéric, aliments fermentés, livre gastronomie, hygienisme, fermentation en cuisine | |  Facebook | |  Imprimer